Pourquoi la ferme de culture de spiruline fraiche de Paris a fermé ses portes
Algorapolis a été mise en liquidation judiciaire au mois de mars dernier. Retour sur cette production qui nécessite des investissements très lourds. Par ailleurs, le produit très fragile et instable a encore du mal à entrer dans les habitudes de consommation. Explications.
Gabriel Riboulet, alors directeur de l'entreprise d'achat-revente de spiruline fraiche, Origine Bleue fait le constat qu’il n’existe pas encore de produit « microbiologiquement correct » et qu’un marché potentiel existe bien. La spiruline est majoritairement cultivée dans des bassins d'eau chaude sous serre, dans des conditions favorables au développement de nombreux micro-organismes et algues filamenteuses En France, les producteurs réalisent ensuite généralement un séchage à basse température (42 degrés) de façon à maintenir une partie des valeurs nutritionnelles.
L'entrepreneur décide alors de cofonder Algorapolis début 2018 pour proposer un produit sorti d’atmosphère contrôlée et répondant à des normes sanitaires très strictes. La structure va s’étendre sur deux unités en zone urbaine, proches des laboratoires d'analyses et des zones de consommation : 300 m2 dans le 18ème arrondissement de Paris et 130 m2 à la Courneuve". La spiruline produite en milieu entièrement contrôlé (filtration eau et air) se présente en bloc onctueux et crémeux, systématiquement analysé en laboratoire, puis conditionnée et stocké à 0 degré.
"Les investissements de départ sont extrêmement lourds : 100 000 euros dans l'unité de conditionnement". A cela, s'ajoute le coût quotidien des analyses, 30 euros pour quelques grammes, même si ce coût s'est atténué au fil du temps (passage en auto-test). Ensuite, il s’agit de vendre la spiruline fraiche et c'est sans doute là toute la difficulté. Sachant que sa DLC* n'est que de 10 jours (moins 4 perdus pour les analyses et le transport), la spiruline ne peut rester au maximum qu'une semaine en magasin. Par conséquent, très peu de commerçants acceptent d'en acheter.D'autre part, la spiruline fraiche est un produit méconnu, un "tartinable" que les gens n'ont pas l'habitude de consommer, contrairement à la version déshydratée. Gabriel rappelle que "la spiruline sous sa forme actuelle de complément alimentaire a mauvais gout, une odeur forte et des valeurs nutritionnelles dégradées ; tout l’inverse de la spiruline fraiche qui n'a ni goût, ni odeur". Mais elle est difficile à vendre, et c'est ce qui a conduit les fondateurs d'Algorapolis à se tourner vers les chefs pour vendre leur produit en frais ou en congelé, en dose de 11 g au prix de 200 euros/kg puis vers les industriels, en glaçons de 5 ou 2,5 g. "Le potentiel de production de nos installations atteint une centaine de kilo par semaine.
"La vente de spiruline fraiche demande un exercice d'évangélisation des clients potentiels très important". "Il faut beaucoup de temps et de moyens en communication et marketing en plus des moyens financiers". L'épidémie de Covid signe l'arrêt des ventes aux restaurateurs et aux industriels en BtoB et oblige les fondateurs à lancer une levée de fonds pour poursuivre le développement de l'entreprise et notamment ses projets à Lille et à Colombes. Mais celle-ci n’aboutit pas et précipite l'arrêt d'Algorapolis.
Gabriel est sollicité, après la liquidation, par des chaînes de restauration et des industriels du surgelé, mais « trop tard »... Fort de cette expérience, l’entrepreneur considère aujourd'hui qu'il "faut un véritable marché industriel pour la spiruline" et que la production a davantage sa place en zone péri-urbaine. Il pense que "les consommateurs s'y intéresseront sans doute davantage dans quelques années..." en évoquant à demi-mot "un gros acteur qui va se lancer sur ce marché, avec une importante levée de fonds, et des reins solides pour encaisser les éventuels échecs".
Claire Nioncel
Les produits vendus dans le commerce sous le nom de spiruline (en version déshydratée), ne contiennent souvent seulement que 10% de spiruline. Les 90% restant sont constitués d'autres algues qui ont contaminé les bassins... Elles ne sont pas toxiques mais possèdent des qualités organoleptiques et microbiologiques souvent dégradées. Pour éviter ces contaminations, les producteurs doivent vider très régulièrement leurs bassins et toujours repartir d'une souche neutre. Il faut également qu'ils réalisent des analyses en laboratoire (complexes et coûteuses) pour connaitre la composition réelle de leur produit final.
90% de la spiruline consommée en France vient de Chine. Dans ce pays notamment ou aux Etats-Unis, la spiruline produite dans de grosses unités, est séchée à 90 degrés, pour supprimer tout risque de contamination, mais perd aussi ses qualités nutritionnelles...
La spiruline, de son nom latin Arthrospira platensis, est une micro-algue d'eau douce qui fait partie de la famille des cyanobactéries ou algues bleu-vert. Elle pousse de façon naturelle dans les eaux chaudes des lacs en Inde, au Tchad et au Mexique. La sipruline ne consomme en génarl séchée. Elle se trouve dans le commerce sous forme de poudre à ajouter à l'alimentation, de gélules ou de comprimés.
C'est un concentré de nutriments ; Elle est ainsi extrêmement riche en bêta-carotène, en fer, en vitamine B12, en vitamine E (puissant antioxydant), en protéines, en minéraux et oligo-éléments (calcium, phosphore, magnésium, zinc, cuivre). Elle contient aussi de la chlorophylle et de la phycocyanine, un pigment aux vertus antioxydantes. La spiruline est utilisée pour lutter contre la malnutrition dans certains pays : sa richesse en nutriments et sa culture (qui peut être locale) sont ses deux atouts mis en avant.
Des études sont en cours car son séchage pose question aux scientifiques et des incertitudes demeurent quant à la présence et à la biodisponibilité de certains nutriments aprés cette opération.
A lire aussi sur agri-city.info :
Julien s'installe sur une ferme de spiruline près de Montélimar
Dans l’Hérault, la spiruline se consomme fraiche et locale
Umamiz lance les "Palets Givrés de spiruline fraîche"
