L'architecture peut s'aggréger à l'agriculture et l'inverse est vrai. C'est ce que démontre l'architecte Gaëtan Redelsperger qui est intervenu à la Ferme ouverte de Saint-Denis (93), avec Lacaton & Vassal architectes Coconcepteur du bâtiment portant la serre GROOF des Fermes de Gally, il détaille comment récupérer l’énergie générée par les serres. Un cercle vertueux.

Associé à Lacaton & Vassal architectes, Gaëtan Redelsperger architecture, a coconçu un bâtiment portant une serre en toiture, qui s'adosse à des constructions existantes. Au rez-de-chaussée, le bâtiment se compose d’un atelier polyvalent à l’Ouest avec un jardin d'hiver, ouvert sur les espaces d’activités de la ferme grâce à des baies vitrées et à l’Est, d'un atelier de maintenance se prolongeant sous le hangar existant. A l'étage, la serre repose sur un plancher en dalles alvéolaires. 

"L'intégration de serres dans le bâtiment est intéressante et nous suit depuis longtemps"

"Pourquoi n'y a t-il pas plus de liens entre cette ingénierie agricole très poussée sur les performances des cultures et les techniques du bâtiment ?" Cela fait longtemps que les architectes travaillent sur l'exploitation de ce savoir-faire pour en faire profiter les bâtiments.
Ainsi, dès 2005 sur le projet de la Cité Manifeste à Mulhouse, Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal ont exploité ce même principe de structure très simple avec l'utilisation de serres, "même si à l'époque, les contraintes thermiques n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui." Cette technique a été utilisée par l'agence sur d'autres projets (dont un à Dunkerque, ndlr) car "ce savoir-faire agricole est très performant sur les questions de ventilation, de système d'ombrage, de gestion du climat en général".
"A partir de 2012, les règlementations thermiques du bâtiment se sont resserrées. Nous avons dû développer des outils pour évaluer cette balance entre les gains que l'on a naturellement par le soleil (chaleur) et les pertes par le vitrage, imaginer des dispositifs qui permettent de s'ouvrir à l'environnement, au solaire passif", souligne Gaëtan Redelsperger. "Les techniques issues du monde agricole relevant du bon sens, permettent une généreuse ventilation, accumulent la chaleur grâce à la structure des matériaux et l'effet de serre. En hiver, on profite de la chaleur quand le soleil est bas et en été, on s'en protège". 

Gaëtan Redelsperger révèle qu'une des premières questions que l'agence s'est posée sur le projet de Saint-Denis portait sur l'existant : fallait-il ou non conserver le hangar présent sur le site ? "Finalement nous l'avons gardé et inséré dans la structure et le fonctionnement du bâtiment, si bien qu'aujourd'hui il ne se remarque plus". Entre le hangar qui a été réhabilité et le bâtiment qui porte la serre, a été imaginé un atelier technique qui joue le rôle d'espace tampon. Le hangar permet une pleine exploitation de la serre et participe à l'opération d'inertie, en captant sa chaleur. L'ensemble bénéficie ainsi d'une portée de 9,3 m et de 500 kg de charge d'exploitation. La serre standard et avec une précision de fabrication de l’ordre du mm, est simplement positionnée sur la plateforme, qui elle a une tolérance de l'ordre du cm ; la liaison entre les deux n'est donc pas sans difficulté. Au final, sur une surface de plancher de 1030 m², la serre offre 357 m² de culture, pour un coût de construction de l'ensemble de 700 €/m² (de surface de plancher). 

L'agence a tenu compte de la capacité déperditive des parois mais aussi de la capacité de la serre à emmagasiner de la chaleur quand c'est nécessaire. "La serre est un espace vitré qui agit comme un tampon pour capter les apports solaires et augmenter la température intérieure de 7 à 8 degrés".  "En été, c'est un espace ouvert qui assure une protection solaire grâce aux rideaux d'ombrage et une circulation d'air et en hiver, c'est un espace fermé qui permet un apport solaire par les larges façades vitrées et une accumulation de chaleur".
Ainsi, la nuit, la serre conserve la chaleur et  la restitue le jour à la structure. L'objectif pour la serre est de maximiser le temps durant lequel les températures intérieures se trouvent dans la plage 18-25°C grâce à des stratégies passives et donc minimiser le besoin en chauffage, et pour l'atelier technique c'est d'optimiser le temps durant lequel les températures se trouvent en confort et donc minimiser le besoin de chauffage et de refroidissement. 

Zoom sur le fonctionnement passif du bâtiment
- En été, les ateliers sont en confort grâce à la ventilation naturelle et l'inertie thermique des dalles. La température des serres oscille entre 20 et 35°C. Un système d'irrigation peut réduire les températures par évaporation et contrôler l'humidité de l'espace.
- A la mi-saison, la température du jardin d'hiver et de la serre varient considérablement. Pendant la journée, les températures se situent dans la zone de confort alors que la nuit, elles descendent à 12°C environ. Les ateliers sont ainsi en confort toute la journée.
- En hiver, leur température se maintient naturellement autour de 10°C. La serre affiche  des températures basses, mais supérieures à celles de l'extérieur. La différence reste plus marquée quand les températures extérieures sont très basses. 

Photo Gaëtan Redelsperger 

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