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Quel potentiel pour la végétalisation tridimensionnelle du bâti, ou phytoderme ?

ecole-biodiversite-boulogne-vignette La mise en place d’une phyto-couverture sur toiture est soit extensive, avec une fine couche de substrat et un couvert végétal bas, soit intensive, avec une couche de substrat plus épaisse

Le réchauffement climatique et l’érosion accélérée de la biodiversité demandent des solutions efficaces. Dans ce contexte, le "phytoderme' ou la végétalisation tridimensionnelle du bâti présente un potentiel significatif pour répondre à ces deux problématiques.Le scientifique François Villatte* dresse des recommandations.

Contrairement à la végétalisation de la voirie qui commence à attirer l’attention, la végétalisation du bâti, à savoir l’apport de végétaux vivants sur les toits et les façades, est encore peu développée. Cependant, cette piste est très prometteuse. La mise en place d’une phyto-couverture sur toiture est soit extensive, avec une fine couche de substrat et un couvert végétal bas, soit intensive, avec une couche de substrat plus épaisse et un couvert végétal comprenant une strate herbacée complétée par des buissons et des arbustes. Concernant l’habillage végétal des façades, rarissime, il y a également deux solutions : l’installation de végétaux se développant dans un substrat lui-même fixé à la façade ou la mise en place de plantes grimpantes enracinées dans le sol au pied de celle-ci pour pousser verticalement.

Baisse de la température

La végétalisation du bâti est associée à de multiples avantages : climatisation de l’habitat : rafraîchissement en été grâce à l’ombrage créé par les plantes et l’évapotranspiration (plus effet du substrat), augmentation de la biodiversité urbaine, ralentissement du ruissellement en cas de forte pluie, protection des surfaces de l’ouvrage contre les intempéries, amélioration du cadre de vie des habitants. Ces avantages sont significatifs. Par exemple, l’analyse de 89 études sur toiture végétalisée menées dans le monde entier montre systématiquement un effet de refroidissement, quel que soit le climat. La ville de Medellin en Colombie a fait baisser sa température moyenne de 2 degrés grâce à un plan de végétalisation massif.
Les toitures végétalisées sont utilisées comme sites d’escales lors des migrations et comme sites de nidification par l’avifaune. Pas moins de 345 espèces animales et végétales ont été recensées sur le toit végétalisé d’une école de Boulogne-Billancourt au cours d’un formidable travail de génie écologique. Enfin, selon une récente étude, la végétalisation de 25% des toits pourrait prévenir les risques d’inondation dans la vieille ville et le centre d’Opole, en Pologne.

Toits et façades, comme un habit

De l’association de la végétalisation du toit avec celle de toutes les façades sur de grandes surfaces naît le concept de "phytoderme". Emballant ainsi le bâtiment, le végétal pourrait agir comme une peau, non seulement pour améliorer l’habitabilité et la gestion des conditions climatiques mais aussi pour contribuer au réinvestissement des zones urbaines par la biosphère. Ainsi, la chute de la biodiversité, due principalement au changement de destination du sol, pourrait être fortement enrayée par la création de véritables écosystèmes urbains.
Bien entendu, certains aspects sont à prendre en compte lors du développement du phytoderme comme la gestion de l’eau, le poids du substrat et des végétaux, les réseaux souterrains en cas d’enracinement au sol ou l’entretien, mais les avantages apportés justifient largement cette prise en considération.
L’habitabilité des bâtiments est remise en cause par le réchauffement accéléré de la planète. L’érosion de la biodiversité, quant à elle, menace toute l’économie par destruction des services écosystémiques et par amputation de nos capacités d’adaptabilité.
Le bâti moderne nécessite une évolution des pratiques et des mentalités. Le phytoderme, qui fait partie intégrante de cette adaptation, devrait être envisagé dans les stratégies d’urbanisme et par les porteurs de projets, dès la conception en cabinets d’architecture.

Quelques références ( pour aller plus loin)
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969721034781
https://reasonstobecheerful.world/green-corridors-medellin-colombia-urban-heat
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30157217/
Aurélien Huguet Ecologie & écolo GIE : Expertise écologique et inventaire faune-flore de l’école des sciences et de la biodiversité à Boulogne-Billancourt (92). SPL Val de Seine Aménagement et ville de Boulogne-Billancourt (92). 76p
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33523377/ Photo: Victor, unsplash https://unsplash.com/fr/licence
 
 

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