À Saint-Nazaire, L'Arbre aux Sens veut maintenir en bonne santé et favoriser l'autonomie
Gildwen Bodiguel a créé en 2020 à Saint-Nazaire un jardin avec les habitants du quartier, afin de leur offrir des activités de plein air pour les maintenir en bonne santé et favoriser leur autonomie. Il a rejoint la FFJNS* et ouvre le projet de L'Arbre aux Sens à un public plus large, Une interview réalisée par Jérôme Rousselle**.
Peux-tu nous décrire le chemin qui t’a conduit à L’Arbre aux Sens ?
J’ai une formation de chimiste, spécialisé « eau et assainissement ». Après un début de carrière en entreprise, j’ai rejoint Action contre la faim et Médecins sans frontières pour accompagner les équipes médicales sur des endroits touchés par des guerres, des catastrophes naturelles ou des épidémies, et apporter mes compétences techniques et organisationnelles. À 30 ans, j’ai souhaité prendre mes distances avec ce que je percevais comme le business de l’humanitaire à l’étranger. Je suis revenu en France et ai rapidement ressenti le besoin de travailler dehors, au service des gens en ayant les mains dans la terre. L’élément déclencheur a été la dégradation de l’état de santé de mon grand-père à la suite de son entrée en Ehpad.
Il m’avait expliqué souffrir de se sentir enfermé après une vie au contact de la nature, alors je lui ai fabriqué des jardinières en hauteur pour qu’il puisse jardiner. Ça a tout changé : meilleure santé, meilleur moral et des relations différentes, plus enrichissantes avec son entourage, soignants, résidents ou proches. En 2019, j’ai rencontré l’association A vos Soins, dont l’objectif est de réduire les inégalités d’accès aux soins dans l’agglomération de Saint-Nazaire. Cette association souhaitait également développer des activités pour favoriser l’autonomie des seniors. C’est comme ça qu’est né L’Arbre aux Sens.
Raconte-nous la genèse de ce projet
Début 2020, juste avant le Covid, nous avons obtenu une parcelle de 450 m2 dans un quartier prioritaire, idéalement placée à proximité d’une bibliothèque, d’un Ehpad et d’une école. La ville, elle, y trouvait son avantage puisqu’elle n’avait plus à entretenir cet espace vert.
Après la fin du confinement, j’ai débroussaillé, imaginé différents espaces, construit du mobilier en bois et réalisé des clôtures en osier vivant avec des jeunes du quartier. Durant l’été 2020, nous avons commencé les premières activités, pour les plus de 60 ans, yoga, art-thérapie, bibliothérapie. Rapidement on a eu cinq – six participants réguliers. Plusieurs jours par semaine les personnes pouvaient venir librement et trouver un large choix d’activités gratuites et sans réservation (pour lever le maximum de freins). La condition nécessaire pour permettre cette facilité d’accès pour les bénéficiaires était que je trouve l’argent pour financer le projet, lieu, matériel et intervenants.
Aujourd’hui dix-huit professionnels, rémunérés par l’association, proposent des activités physiques, de bien-être ou encore d’éveil sensoriel. Nous totalisons près de 200 ateliers par an, du mardi au vendredi. Les activités se faisant en extérieur, la saison court d’avril à octobre. S’il pleut, les activités sont généralement maintenues et les participants prennent une tenue imperméable ou s’installent sous un petit préau dans le jardin. Nous comptons environ 2000 participations par an, soit 275 bénéficiaires, majoritairement des seniors mobiles et autonomes mais aussi des personnes en rééducation et ponctuellement des personnes venant d'Établissements d'aide par le travail (ESAT) ou d'Instituts médicaux éducatifs (IME).
Et pourquoi ce nom ?
Tout simplement parce que le jardin s’organise autour d’un magnifique chêne pluricentenaire, symbole d’ancrage, de longévité et de résilience. D’ailleurs, nous comptons créer d’autres lieux qui auront également en leur centre un « arbre-totem ». Et « sens » car le jardin est composé essentiellement de plantes permettant de jouer sur les cinq sens et qui servent de support aux intervenants.
Qu’est-ce qui te pousse à rejoindre la FFJNS*?
Je dirais que les humains sont comme les arbres : nous avons besoin d’être connectés. Aux débuts de L’Arbre aux Sens, j’étais trop pris par la construction du projet pour pouvoir prendre du recul mais maintenant je ressens le besoin d’aller voir ce qui se fait ailleurs. J’ai eu connaissance de la présence de professionnels des jardins thérapeutiques dans la région, comme Romane Glotain, membre et ancienne présidente de la FFJNS. J’ai aussi eu l’opportunité de rencontrer Romain Pommier, également membre de la FFJNS, qui a été très intéressé par notre expérience de jardin hors institution ouvert à tous et m’a proposé de la présenter dans le cadre du DU de Saint-Étienne.
Au début, je ne me sentais pas légitime pour rejoindre la Fédération car j’avais le sentiment de ne pas apporter de soins moi-même et que le contact avec la terre n’était pas au cœur des activités que nous proposions. Mais en fait, nous partageons bien une même approche, centrée sur les bénéfices pour la santé du contact à la nature. Nous avons aussi le souci d’évaluer nos activités. Malakoff Humanis a retenu L’Arbre aux Sens pour une étude d’impact sur le jardin, avec des questionnaires d’entrée et de sortie des participants, qui commence à faire apparaître certains indicateurs sur les aspects bien-être, anxiété et social.
Rejoindre des professionnels comme les membres de la FFJNS ne peut qu’apporter du mieux à notre travail.
Qu’est-ce qui t’a particulièrement marqué au cours de cette journée de l'Assemblée générale du 1er février dernier ?
L’AG m’a permis de comprendre un peu mieux comment fonctionnait la FFJNS, de découvrir ses actions, son bilan financier et les perspectives. J’ai été impressionné de découvrir la diversité de ses membres. Échanger, rencontrer… c’est vraiment ce pour quoi j’étais venu. Et en fin de journée, la saynète de Faroudja et Bruno m’a donné de l’énergie pour continuer à faire changer les choses !
Quels sont tes projets ?
Nous allons ouvrir un nouveau jardin en 2025, à Saint-Nazaire, à visée thérapeutique celui-ci, à destination de personnes en rééducation, de personnes isolées, d'aidants et plus largement des citoyens du territoire. Un travail collectif que nous allons mener avec les seniors, les scolaires du quartier et des partenaires locaux. Une fois le jardin prêt, nous allons travailler avec des professionnels de santé, ergothérapeute, algologue, kinésithérapeute, psychiatre… pour proposer des exercices spécifiques pour ces publics.
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