Rôle du centre agroécologique de Rosario dans l'agriculture urbaine
Agnès Delefortie nous a présenté dans un précèdent article, comment l’agriculture urbaine s’est implémenté dans la ville de Rosario en Argentine. Dans cette seconde partie, elle fait un focus sur l'importance de la formation afin que les familles et les agriculteurs urbains acquièrent les bases de l'agroécologie.
Pour cela, des « Parque Huerta », lieux pour pratiquer l’agriculture urbaine, ont été progressivement mis en place. En 2022, il y avait ainsi quatre Parque Huerta dans la ville de Rosario pour un total de 75 hectares et environ 300 producteurs et productrices. Le public visé est précaire, et pour encourager la production, la ville met à disposition le lieu, de l'eau, une aide technique, etc. À la différence des jardins familiaux en France, le but est mixte : se nourrir et gagner de l’argent. Les personnes qui viennent cultiver tous les jours arrivent à se rémunérer grâce à la vente des productions sur place ou sur des marchés. Cela concerne environ 50% des personnes cultivant dans le Parque Huerta La Tablada (voir encadré 1). Le lien entre le Parque Huerta et le quartier se développe avec le temps, grâce à la sensibilisation alimentaire. Aujourd’hui, le lieu est accepté et protégé par les voisins ; c’est un espace social qui fait du bien dans une zone où les meurtres, et les problèmes liés à la drogue sont présents. Les personnes vivant dans le quartier sont souvent immigrées et connaissent des difficultés. Le Parque Huerta crée un lien entre le centre-ville et le quartier, grâce aux personnes qui viennent sur place pour voir et acheter des produits. Cet exemple révèle les dimensions sociales et politiques de l’agroécologie mises en œuvre.
La majorité des personnes n’ont jamais cultivé auparavant. Dans les Parque Huerta, pour pouvoir débuter la production, la ville donne de l’argent à chaque nouvelle famille (10 000 pesos argentins, soit un peu moins de 50 €). Une formation de 4 jours sur la production, la vente, etc. est à réaliser avant de débuter afin d’acquérir les éléments de base. Pour les personnes motivées, un second cycle de formation plus spécialisé est possible. Cet enjeu de formation se retrouve aussi dans les fermes périurbaines, plus « classiques » qui sont intégrées à la ceinture verte de 300 ha. Les agriculteurs ont pour obligation de produire en agroécologie et pour cela ils reçoivent une aide technique de la ville (techniciens qui passent sur la ferme, formation, etc). Cet appui technique et la formation des acteurs sont des points qui figurent très souvent dans ce type de projets, révélant leurs importances dans toute action de transition (voir encadré 2).
Celui-ci est situé sur un terrain appartenant à la municipalité et à la province. Il est constitué de diverses parcelles qui permettent de montrer les manières de produire lors des formations : comment faire un compost, les méthodes de semis, comment bien gérer le sol, les productions de saison, etc. Des formations à la biodynamie sont également réalisées : calendrier, préparations, etc. Dans ce centre, sont également produits plusieurs milliers de plants pour que les habitants et habitantes puissent cultiver chez eux. Ces plants sont aussi à destination des producteurs et productrices urbains et périurbains. Enfin, le centre joue aussi le rôle de banque de graines et de réseau d’échange pour maintenir des variétés libres de droits commerciaux. Véritable ressource pour la municipalité et pour toutes les personnes voulant se former, il est également un exemple pour d’autres villes d’Argentine qui réfléchissent à mettre aussi en place ce type de lieu.
Agnès Delefortie
Le “Parque Huerta La Tablada”.
Ce lieu était une décharge, avec la crise de 2001, les habitant·es l’on nettoyé afin de pouvoir y cultiver. Chacun.e à sa parcelle et des personnes de toute la ville viennent y cultiver. Une 20éne de familles vient très régulièrement voire quotidiennement, les autres personnes viennent de temps à autre. La taille des parcelles est variable, car si de nouvelles personnes veulent venir, le terrain est découpé pour faire des parcelles plus petites. Chaque personne a une parcelle pour la durée qu’elle souhaite à condition que cette parcelle soit entretenue.
Felipe, agriculteur péri-urbain.
Felipe est agriculteur, il a participé il y a plus de 6 ans à une réunion de la ville de Rosario sur l'agroécologie qui lui a donné envie de passer sa ferme en agroécologie. Pour cette conversion, il a reçu un appui de la ville : aide technique, échanges entre pairs, etc. Sans cette aide, cela aurait été plus compliqué pour lui d’effectuer cette transition, car il n’avait pas la connaissance nécessaire. Aujourd’hui, il cultive plus de 10 espèces végétales sur sa ferme de 5 hectares : haricots, tomates, piments, choux-fleurs, courgettes, etc. qui sont vendus sur des marchés, ferias ou en semi-gros.
Agnès Delefortrie a réalisé ce voyage en Argentine en janvier 2022, dans le cadre d’une bourse Nuffield. Pour en savoir plus sur son activité : www.solanae.fr