Bio ou pas, comment évaluer l’impact écologique des aliments ?
Dès le 1er janvier 2024, un score environnemental devrait apparaître sur les produits alimentaires. Or, la bataille des méthodologies fait rage. Valentin Bellasen, de l'Inrae, qui a travaillé sur l'impact des aliments bio sur l'environnement révèle que ceux-ci ne mérite pas forcément la meilleure note dans le cadre de l’affichage environnemental. Explications.
Tous les critères ne se valent pas
Le Product Environmental Footprint*, la méthode qui fait foi à l’échelle européenne, accorde le poids le plus fort au changement climatique. C’est à mon avis justifié, pour plusieurs raisons. D’abord parce que l’enjeu climatique est le plus urgent des enjeux environnementaux. Le temps de retour à l’équilibre de la plupart des composantes de la qualité environnementale est de l’ordre de la décennie ou du siècle. Par comparaison, il est de l’ordre du million d’années pour le climat (irréversibilité). De plus, le changement climatique est lui-même l’une des causes principales de dégradation de la biodiversité, mais la réciproque est globalement fausse. Enfin, les impacts d’un changement climatique non contenu seraient encore plus dramatiques que ceux des autres enjeux environnementaux.
Dans le domaine de l’alimentation, l’impact sur le climat est par ailleurs corrélé à la plupart des impacts environnementaux. Notamment pour l’eutrophisation, via l’utilisation d’engrais et les déjections animales, pour les pollutions liées à la production d’énergie, notamment via les combustibles fossiles, ou encore pour les atteintes à la biodiversité via le stockage de carbone des prairies et des forêts. Ainsi, l’amélioration de l’empreinte carbone s’accompagne le plus souvent d’une amélioration de la plupart des autres impacts environnementaux. Concentrons-nous donc pour commencer sur l’empreinte carbone comparée des produits biologiques et conventionnels.
L’empreinte carbone du bio en question
La recherche sur l’empreinte carbone du bio est foisonnante depuis les années 2010. Plusieurs méta-analyses convergent pour dire qu’il n’y a pas de différence marquée entre bio et conventionnel sur l’empreinte carbone. Si l’absence d’engrais minéraux diminue fortement les émissions des fermes biologiques, cette baisse est compensée par leur moindre productivité, et notamment l’allongement de la durée de vie des animaux pour atteindre un poids donné. Les productions végétales bio pourraient toutefois tirer leur épingle du jeu avec une empreinte carbone plus faible d’une dizaine de pour cent, mais ces résultats restent à confirmer. La prise en compte du stockage de carbone en fonction des types d’agriculture reste un front de recherche, mais qui ne semble pas bouleverser ces résultats jusqu’à présent.
Quid de la qualité de l’eau et de la biodiversité ?
En termes de consommation d’eau, principalement pour l’irrigation, les produits certifiés sont plus sobres, d’environ 30 % par hectare et 15 % par tonne. Pour ce qui est de la pollution de l’eau aux nitrates, l’agriculture biologique emploie de 30 % à 60 % de moins d’azote par hectare. Mais ramenée à la tonne de produit, la différence n’est plus significative. En effet, malgré l’absence d’azote minéral, les fermes biologiques restent consommatrices d’azote organique et ont par ailleurs des rendements inférieurs.
Si l’on s’intéresse à l’impact des systèmes alimentaires sur la biodiversité, la situation est plus complexe encore. Grâce à l’interdiction des pesticides, les surfaces cultivées en agriculture biologique présentent des niveaux d’abondance et de richesse spécifique de 20 % à 50 % supérieure à leurs équivalents conventionnels. Toutefois, leur impact global sur la biodiversité reste une question complexe. D’abord du fait des moindres rendements, qui peuvent être à l’origine de déforestation sur place ou à l’étranger. En effet, les forêts feuillues sont le type d’habitat avec le plus de biodiversité, quelle que soit la zone géographique considérée. Ensuite parce qu’à la différence des autres composantes environnementales, il n’y a pas d’indicateur synthétique et consensuel de la biodiversité, ce qui complique les choses. Une expertise scientifique collective Inrae/Ifrener est en cours pour démêler le sujet.
D’autres bonnes raisons de manger bio
À l’échelle mondiale, 61 % des émissions liées à l’alimentation sont dues aux produits animaux – et le chiffre pourrait atteindre 80 % en Europe. La réduction du cheptel et de la consommation de protéines animales, qui permettrait de réduire les émissions alimentaires de l’ordre de 30 % à 60 %, est donc la condition nécessaire pour atteindre les objectifs d’atténuation climatique européens et français. Ce qui a des conséquences directes en termes d’affichage environnemental sur les produits alimentaires : l’affichage doit avant tout inciter les consommateurs à éviter les produits animaux les plus émetteurs, plutôt que de distinguer bio et conventionnel qui ont un impact par kilo très proche. Mais il y a d’autres bonnes raisons de manger bio : un principe de précaution sanitaire vis-à-vis des pesticides, et une meilleure performance économique et sociale.
En fin de compte, peut-être est-ce la principale contribution du bio à la préservation de l’environnement : aider les producteurs et les consommateurs à réduire la production et consommation de viande en compensant la baisse des quantités par une augmentation de la qualité des produits, qui satisfera les consommateurs, et une augmentation du prix, qui satisfera les producteurs. Plusieurs études montrent d’ailleurs que les consommateurs de produits biologiques vont dans ce sens, compensant le surcoût unitaire du bio par une sobriété sur le poste alimentaire le plus coûteux : la viande.
L’article original a été publié le 15 novembre 2023 sur le site de The Conversation.
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