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Un héritage jardinier proposé au cœur de la ZAC Intercampus d'Amiens

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La ZAC Intercampus d'Amiens (80) est un nouveau quartier situé à 20 min du centre-ville, et juste à côté de l'hôpital sud et de l'université. Ancrée dans ce territoire, cette zone vise à construire un tissu ville-campagne vertueux en explorant la thématique alimentation-santé, tout en répondant aux défis du changement climatique.

Anciennement zone agricole, la municipalité a voulu développer cet espace, tout en conservant les jardins ouvriers historiques déjà présents.
Amiens Métropole a lancé un appel à projets en 2005, auquel le Groupe d'Architecture Ellipse* a participé, et pour lequel ce dernier a été sélectionné finaliste. Le modèle de l'éventail a été retenu par les architectes urbanistes pour conserver cet héritage jardinier dans l'aménagement de l'espace, avec sept lanières, dont trois bâties et quatre vertes.

« Le collectif a été développé avant le résidentiel »
 

Malheureusement le projet a été retardé, tout d'abord par la crise financière de 2008 et ensuite par le changement de municipalité. Entre temps, et pour ne justement pas en perdre, les architectes en charge du projet ont conduit la construction des jardins familiaux du site dès 2011-12, pour soutenir une population alors en difficulté financière. « Le collectif a été développé avant le résidentiel » souligne Loïc Josse, président du Groupe Ellipse.Z Au fil des années, l'espace maraîcher s'est substitué à de l'espace résidentiel
Le chantier de construction a débuté en 2014 et devrait s'achever en 2027. A terme sont prévus : 2 000 logements (environ 4 000 habitants), 12 ha de jardins familiaux , 1 km de promenade piétonne, des infrastructures contre le changement climatique, des commerces et entreprises innovantes dans la santé (en tout, environ 300 emplois prévus), 4 ha de maraîchage, et un O'Tera pour des circuits ultra-courts.

Une ville nourricière et poreuse face au changement climatique.

A l'inverse d'un quartier résidentiel anonyme, ce quartier a été conçu comme un lieu de passage et de rencontre grâce à ses nombreux espaces verts. La ZAC de 80 ha est déjà parsemée de haies fruitières (fruits rouges, mirabelles, etc.), de pommiers, de ruches, d'un poulailler collaboratif, etc. et la marge de développement est encore large.
Dans tout le quartier, plusieurs infrastructures ont été mises en place pour mitiger les effets du changement climatique et préserver le bon-vivre en ville.
La plupart de la végétation a été installée il y a 2 ans, et les arbres devraient d'ici quelques années recouvrir de leur couronne touffue l'ensemble des immeubles qui ne dépassent pas les 4 étages.
Afin de faciliter l'infiltration des eaux pluviales dans les sols, les carrés de terre sont souvent affaissés et la plupart des routes pavés. Ces infrastructures sont entretenues de manière vertueuses, sans pesticide. Et le comité de quartier a même demandé de limiter les tontes pour accueillir plus de biodiversité.
Déjà 600 occupants ont investi les 300 logements livrés. Ils peuvent suivre la promenade nourricière, de quelques centaines de mètres sur le site, où sont dispersés des pommiers et haies fruitières en libre service pour les passants. Un poulailler collaboratif de 7 poules (3 endémiques et 4 anciennes pondeuses) a été mis en place, afin de recycler les biodéchets et récolter leurs œufs, tout en ayant le plaisir de les voir vous fixer curieusement du coin de l'oeil quand vous passez.

Plus de poules devraient arriver bientôt. A une centaine de mètres des premiers logements, toujours sur la promenade nourricière, se trouvent cinq ruches qui participent à l'équilibre végétal du site

Le quartier fait aussi partie d'un projet expérimental en collaboration avec Amiens Aménagement et le Centre Régional de Ressources Génétiques des Hauts-de-France, qui ont installé le Verger Conservatoire. Il s'agit d'un verger d'environ 70 espèces de pommiers anciens et endémiques. Sur chaque pommier endémique se trouve un panneau en blanc avec descriptif de l'espèce en question. Le Centre Régional désire étudier la réaction de ces pommiers, qui ne sont plus commercialisés, au changement climatique et à la sécheresse sur la ZAC. Bientôt, quelques cerisiers endémiques seront plantés dans cette même démarche.

Avec autant d'espaces verts, qu'en est-il des toits et façades des bâtiments ? « C'est un regret » confie Loïc Josse. Le revêtement actuel se fond bien dans la verdure, mais avoir une continuité végétale, avec différents degrés et échelles, aurait pu pousser l'innovation encore plus loin.

Les jardins familiaux historiques préservés

Au total, 165 jardins familiaux d'environ 240 m2 chacun ont un arbre fruitier, une pergola partagée avec le jardin voisin (pour entrepôt, stockage et récupération des eaux de pluie jusqu'à 1 000 litres). Un jardin de cette taille peut subvenir aux besoins d'une famille de quatre personnes en légumes, et petits fruits.Chaque groupe de jardins a aussi accès à une pompe à bras reliée à une citerne pouvant contenir jusqu'à 10 000 litres.

Les habitant d'Amiens peuvent ainsi disposer d'un jardin pour un abonnement annuel de 50 € à la ville.

Ils possèdent leur récoltes et ont une grande liberté dans le choix des cultures. Laisser son jardin en friche est par contre interdit compte tenu de la longue liste d'attente.
Cette thématique de l'alimentation saine au cœur du projet a donné un nouvel essor aux liens sociaux du quartier. Les habitants se retrouvent plus souvent, autour de choses qui ont du sens pour eux. La végétation, la biodiversité et même les quelques ânes en éco-pâturage (en gestion avec Ecozoone**) offrent de belles activités pédagogiques pour l'école maternelle Chemin des Plantes nichée à l'entrée de la ZAC. La proximité entre les jardins familiaux et les habitants a aussi crée une entraide, ce qui permet de garder un œil les jardins et donc limiter les vols.
Des synergies seront aussi à construire entre le quartier et le campus de médecine de l'Université Picardie Jules Vernes juste à côté. A terme, 2 500 étudiants devraient y étudier, et plusieurs centaines seront logés sur la ZAC, à côté d'une maison de retraite, de jeunes professionnels et couples. Bref, il y a de quoi créer un vrai écosystème alimentaire et social, et surtout innovant.

« Il y avait une volonté de créer une symbiose avec le territoire, et de faire des synergies »

Un espace alimentaire intégré à son tissu territorial

« Il y avait une volonté de créer une symbiose avec le territoire, et de faire des synergies » remarquent Messieurs Jean-Charles Cazeaux et Loïc Josse, architectes chez Ellipse. La volonté derrière ce projet est de créer un continuum entre la ville et la campagne, et de montrer que le péri-urbain peut être une transition harmonieuse et vertueuse de l'un à l'autre.
C'est pourquoi, La ZAC va voir un O'Tera s'installer entre le boulevard Ambroise Paré et la route de Rouen (très fréquentée) en lien avec un maraîchage de 4 ha juste à côté. Vincent Linéart, maraîcher et propriétaire de la Cueillette de Saint Gratien, un espace de self-cueillette, va prendre en charge cette exploitation selon le modèle du réseau Chapeau de Paille***. Parmi les fruits et plantes cultivés, il y aura des courges, fraises, carottes, courgettes, salades, citrouilles, etc.

Sur les 4 ha (qui seront doublés après 5 ans), il y aura 4 200 m2 de serres, dont 2 000 m2 réservés à O'Tera. Le magasin disposera aussi d'un hectare en extérieur.
Un peu moins d'un tiers de l'exploitation sera dédié à l'approvisionnement du magasin, et ce dernier vendra d'autres produits d'agriculteurs locaux autant que possible. Dans un souci d'équité et de traçabilité, il n'y aura qu'un agriculteur-producteur par gamme de produit, et chaque article donnera les parts reversées pour la TVA, le distributeur, et le producteur.
De plus, un restaurant va ouvrir sur la ZAC, juste à côté du O'Tera. "Il y a donc une opportunité de créer un menu 100% local" déclare Clément Lançois avec enthousiasme, responsable des opérations chez Amiens Aménagement, qui souhaite renforcer l'engagement environnemental, social et alimentaire de la ZAC. C'est une synergie qu'il souhaite mettre en place, avant même la construction du restaurant et de ses futurs propriétaires.
En parallèle, Vincent Liénart va ouvrir la partie restante de l'exploitation en self-cueillette, ce qui lui permettra d'économiser 40% de son temps. La self-cueillette se défait, en effet, des besoins de distribution en laissant les clients eux-mêmes récolter les productions, guidés par des panneaux informatifs et équipés avec brouette et outils. C'est souvent l'occasion de faire une balade originale et pédagogique tout en récoltant des légumes et fruits de qualité à bas prix (les tarifs seront régressifs).
Les méthodes de cultures employées répondront aux critères « Haute Valeur Environnementale ». Une fertilisation au goutte à goutte est utilisée, ainsi que des engrais organiques et minéraux, et des semis non-bio. L'utilisation d'herbicide est grandement limitée, et celle de pesticide et fongicide quasi nulle, afin de préserver le maximum de biodiversité.

Clément Cardon
 
Quelques chiffres & données

O'Tera:  ouvrira le 18 novembre 2020 et sera ouvert 6/7 jours
Le self-cueillette: Les clients passent en moyenne 1h30, elle sera ouverte 7/7 jours du 15 avril au 15 novembre
L'exploitation maraîchère requerra un maraîcher à temps plein, ainsi que 7 postes de saisonniers pour 7 mois ; 
Les prix sont dégressifs. Par exemple les fraises : 6,50 € le kg, 4,90 €/kg a partir de deux kilos, et 3 kilos = - 50 centimes. tomates : 2,50kg (10kg ou plus, 2€/kg)

*Ellipse, co-fondée par Loïc Josse et Patricia Martineau, est un « groupe d’architecture ELLIPSE et se lance dans la maîtrise d’œuvre. Installée à Paris, l’agence conçoit ses travaux en nouant trois échelles d’intervention : le projet urbain, l’architecture et l’espace public. Actuellement, l’agence intervient principalement à Lyon, Rennes, Saint-Etienne, Amiens et dans l’Ile-de-France. Ils traitent de conception urbaine, renouvellement urbain, centralités de quartier, projets de logements ou d’espaces publics…. »
** Ecozoone est une entreprise qui propose des solutions d'éco-pâturage sur-mesure ainsi que d'autres services liés à l'élevage, et au nouveau métier de berger urbain. Elle propose aussi des formations dans ces thématiques afin de favoriser la réimplantation de troupeaux en milieux urbain et périurbain, ou en synergie avec des parcs, fermes urbaines, friches, etc.
*** Chapeau de Paille est un réseau qui installe des self-cueillettes partout en France et en collaboration avec les agriculteurs. Il y a déjà 33 membres environ. Ce mode de production implique une réorganisation du temps de travail. Être membre du réseau signifie aussi un ensemble de pratiques agricoles raisonnée et respectueuses de l'environnement.
crédit photos: Groupe Architecture Ellipse
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