Expérimentation sur les substrats circulaires locaux à la Cité Maraîchère de Romainville
Il y a un an, en mai 2019 l’expérimentation sur les substrats circulaires locaux était lancée par l’entreprise Florentaise en partenariat avec AgroParisTech, Astredhor, Moulinot, UpCycle-La Boîte à Champignons et la ville de Romainville sur le site de recherche et d’expérimentation de l’entreprise à Saint-Mars-Le-Désert, afin de confectionner un support de culture (substrat) qui réponde aux contraintes techniques spécifiques et aux enjeux d’économie circulaire de la Cité Maraîchère. Entretien avec Claire Grosbellet, responsable Recherche & Développement de l'entreprise. Restition par La Cité Maraîchère (site)
Quelles sont les activités de Florentaise et quelles sont vos sujets d'expérimentation ?
Florentaise est spécialisé dans la fourniture de supports de culture, c’est le cœur de l’entreprise. Le support de culture, c’est tout ce que nous utilisons quand nous faisons de la culture hors-sol. C’est un marché complémentaire à celui de la culture de plein champ.
En 2016, nous avons lancé un projet d’agriculture urbaine intensive. Il s’agissait de développer une ferme urbaine, très différente de celle de Romainville, sans lumière extérieure, avec des leds et un système d’arrosage recyclé qui limite au maximum la consommation d’eau. Ce système, à environnement contrôlé sans aucun pesticide, n’est cependant pas totalement hydroponique, puisque nous utilisons du terreau dans des pots en fibre de bois, produits à la fois biodégradables et français.
L’idée initiale du projet était de lancer cette ferme urbaine et d’en commercialiser par la suite le concept. Le prototype – version 0 se trouve à Saint- Mars-du-Désert (Loire-Atlantique), près du siège social de l’entreprise. Nous avons également développé une version1 du prototype à Angers (Maine-et-Loire).
Ce projet, c’est d’abord le fruit d’une opportunité de rencontres entre Antoine Chupin, fils de l’actuel dirigeant Jean-Pascal Chupin et une entreprise québécoise spécialisée en éclairage par associations de leds, capables de produire différentes longueurs d’ondes et différents spectres lumineux. Ces dispositifs permettent de proposer ensuite des solutions adaptées à la croissance de plantes.
Ensemble, ils ont commencé à imaginer un premier système où l’on ferait pousser des plantes dans un environnement contrôlé. Puis, de fil en aiguille, un système de culture complet est né. Ce projet a bénéficié d’une part des compétences en électronique et en led du partenaire québécois, et d’autre part de notre compétence agronomique.
Nous souhaitions être au plus près des lieux de consommation. L’enjeu est de limiter le nombre de kilomètres à parcourir et donc les problèmes liés au transport.
Si au départ l’idée était de commercialiser de la salade « hyper fraîche », vendue avec ses racines en pot, elle a par la suite évolué, car l’outil développé est polyvalent. Aujourd’hui, nous sommes sur d’autres projets de culture, comme de la micro-pousse, ou d’autres cultures en expérimentation. C’est encore un peu tôt pour en parler…
Enfin, nous avons décliné ce projet de ferme installable en cœur de ville sur les agricultures urbaines au pluriel, en proposant des potagers individuels d’intérieur, plutôt destinés au marché grand public, avec des leds pour faire pousser des herbes aromatiques ou des jeunes pousses chez soi. Et puis parallèlement à cela, nous développons toutes les gammes de terreau potager, avec chaque année de nouvelles innovations.
Des spécialistes sont associés à la conception du projet de la Cité Maraîchère notamment au travers la participation au groupe de travail « techniques agronomiques ».
Quelle est votre collaboration avec la Cité Maraîchère ?
Florentaise a été invité à participer à une réunion dès septembre 2018, pour le lancement du travail sur les aspects techniques. Ces derniers concernaient aussi bien les questions sociales, que les contraintes agronomiques ou climatiques. À ce moment-là, les différents bureaux d’étude étaient audités pour présenter l’avancée de leurs travaux. Nous étions quelque un·e·s à avoir des expériences sur des systèmes de culture « indoor ». Par nos questions, nous avons contribué peut-être à imaginer plus rapidement des solutions davantage issues de l’ « expérience terrain », sans pour autant remettre en cause le travail des bureaux d’étude et les recommandations plus théoriques.
Nous pensions pouvoir apporter quelque chose en plus, avec d’autres partenaires comme CMF, spécialiste français de la serre bioclimatique. Par exemple, je gère une serre expérimentale ; ce qui me donne quelques idées sur la manière dont cela va fonctionner dans ce type de structure. Nous avons également des retours sur la gestion climatique, sujet important quand on veut faire une culture « indoor ».
Ce qui a suscité notre intérêt, c’était de pouvoir travailler en amont du projet, le voir émerger et le suivre. Nous n’étions pas dans une simple relation client-fournisseur où nous intervenions sur un projet déjà ficelé.
Enfin, la Cité Maraîchère représentait un projet d’agriculture urbaine sur lequel nous pourrions capitaliser en termes de recherche, surtout AgroParisTech qui va assurer son suivi par la suite. À court terme, nous allons également pouvoir observer les implications immédiates sur les animations et la vie d’un quartier, sur la création d’activités, sur la production de nourriture en milieu urbain dense.
Pour toutes ces raisons, rapidement et assez naturellement, nous nous sommes positionnés et avons proposé l’accompagnement et une mise à disposition d’une parcelle expérimentale sur le site de recherche et d’expérimentation de l’entreprise, à Saint-Mars-du-Désert.
Florentaise y mène cette expérimentation depuis avril 2019 (en partenariat avec AgroParisTech, Astredhor, Moulinot et UpCycle/La Boite à Champignons) sur différentes compositions de substrats circulaires. L’enjeu est d’aider la ville à confectionner le « meilleur substrat », celui qui répondra aux contraintes techniques et éthiques spécifiques à la Cité Maraîchère.
Sur quoi porte cette expérimentation, quels sont les objectifs et les premiers résultats observés ?
Le cahier des charges de l’expérimentation proposé par Romainville avait comme point incontournable de valoriser les matières premières locales. C’était intéressant aussi pour nous : cette démarche est assez cohérente avec la philosophie générale de l’entreprise. L’autre point de vigilance donné était de fournir les bacs de culture en terreau capable de rester en place plusieurs années.
En Île-de-France, les entreprises Moulinot et UpCycle ont des produits à valoriser : un lombricompost issu de déchets alimentaires pour le premier, et un « résidu » produit après avoir cultivé des champignons, appelé « champost » pour le second. Chez Florentaise, nous avons l’habitude de faire des mélanges de produits dans différentes proportions, et de mesurer ensuite toutes les caractéristiques agronomiques.
Aussi, nous avons proposé de réaliser un essai où nous allions tester quatre types de terreau composés, en différentes proportions selon les mélanges, de lombricompost, de champost, de granulat fourni par notre entreprise (béton cellulaire recyclé issus des déchets d’usine de production de bloc de béton cellulaire) et de drêche de bière. Nous les avons comparés avec un terreau témoin, très basique constitué de deux composants, déjà testé par Astredhor dans le cadre du programme Techn’Au, et que nous avons l’habitude d’utiliser pour ce type d’aménagement de potager urbain.
Nous avons mis en place cet essai et avons recruté un stagiaire de Master1 d’AgroParisTech pour en assurer le suivi. Pendant trois mois, il a créé et cultivé un potager : installation et association des cultures afin d’optimiser l’utilisation de l’espace, réalisation des récoltes… Il a ainsi pu observer les plantes depuis la germination, quand nous semions directement des graines comme pour les radis et les salades par exemple. Il a étudié la manière dont les graines germaient, et quelle masse pouvait être récoltée. Pour chaque terreau, nous avons pu comparer la performance agronomique et le rendement.
- Un substrat composé de drêche de bière n’était pas approprié : c’est un produit trop instable, complétement contre-productif. Nous avons obtenu de bons résultats de culture en revanche avec le terreau témoin et avec le mélange champost, lombricompost et granulat.
- Outre la vitesse de croissance des plantes, nous prêtons aussi beaucoup d’attention à la gestion de l’eau : comment l’eau va pouvoir être absorbée dans le terreau ? Comment va- t-elle circuler à l’intérieur et pouvoir y rester ? Est- ce qu’elle peut être restituée aux plantes ? Trop fixée au terreau, elle est parfois difficilement absorbable par les plantes. C’est ce que nous appelons les propriétés physiques.
- Finalement, en combinant tous ces résultats, nous allons proposer une formulation « spéciale Cité Maraîchère », complètement innovante par ses composants, et qui sera un « mix » des 4 formules testées au cours de l’année 2019. C’est un peu comme si nous combinions les meilleures propriétés des 4 formules pour faire un « champion » : en apportant au terreau témoin des éléments plus structurants comme le mélange champost et lombricompost, nous combinons excellence des propriétés physiques et nutrition organique durable.
Ce dernier mélange va permettre de confectionner le support de culture adapté au projet.
Aujourd’hui, la seule information que nous n’avons pas, c’est la manière dont le terreau va vivre et se dégrader dans le temps. L’essai est encore en place, nous pourrons donc l’évaluer plus tard après l’avoir re-fertilisé. Ces derniers mois, ont poussé des légumes d’hiver – choux, mâche, betteraves : le potager continue de produire des légumes et l’expérimentation suit elle aussi son cours.
* : présentés lors du Conseil Scientifique de la Cité Maraîchère en novembre 2019