Economie circulaire : des aménageurs montrent l'exemple
Réutilisation du patrimoine, recyclage et réemploi des matériaux… L'expérimentation s'applique aux projets urbains. Article de Cyrille Véran, le16 septembre 2020, dans Les Echos.
« La réutilisation du patrimoine, le réemploi et le recyclage des matériaux sont devenus des sujets majeurs des politiques publiques portées par la ville de Paris et mis en oeuvre par Paris Habitat.
Il y a un écosystème global qui se met en place, et nos locataires sont de plus en plus sensibilisés à ces questions », constate Stéphane Dauphin, directeur général chez Paris Habitat. Au coeur du 12e arrondissement, dans la caserne de Reuilly, le bailleur social a développé en tant qu'aménageur et maître d'ouvrage unique du programme, un nouveau quartier à partir de la transformation exemplaire des bâtiments existants .
Pour les accompagner sur la question du réemploi, le bailleur a fait appel au collectif belge Rotor, qui a produit un inventaire des matériaux pouvant être récupérés et réemployés. Les radiateurs en fonte et les placards en bois massif ont ainsi pu être réinstallés dans les logements, les pavés retrouvés sous le bitume sciés et reposés pour les cheminements piétons, le béton issu des démolitions concassé pour les voiries du site.
« En revanche, nous n'avons pas réussi à obtenir l'autorisation du Cerqual pour réutiliser les luminaires de l'ancienne caserne ; de même, certains matériaux amiantés, notamment les ardoises de la toiture, n'étaient pas récupérables », mentionne Stéphane Dauphin.
La démarche mise en oeuvre sur la caserne a été inspirante pour le projet porté dans le cadre du programme européen Interreg Charm (Circular Housing Asset Renovation and Management) auquel participe Paris Habitat. L'apport du bailleur s'élève à 1,2 million d'euros d'investissement dont 900.000 euros de subvention.
Son objectif est de valoriser le réemploi des matériaux du bâtiment dans les opérations de construction et de réhabilitation, et l'entretien courant chez les bailleurs sociaux. « Sur toutes nos opérations, nous nous posons la question de la démolition en dernier ressort. C'est un réflexe sociétal », soutient le bailleur qui travaille en collaboration avec le Réseau francilien des acteurs du réemploi (Refer).
Déconstruction de la cité Gagarine.Donner une seconde vie à des bâtiments existants n'est pas toujours possible, et c'est le cas de la cité Gagarine à Ivry-sur-Seine.
Construite en 1961, cette barre de 13 étages et 30.000 mètres carrés n'hébergera plus de locataires compte tenu des équilibres à respecter entre le coût de sa restructuration et la qualité d'habitabilité exigée.
« Plutôt que de démolir et d'enfouir les matériaux de démolition dans les centres de stockage, nous avons fait le choix de générer une ressource à partir des matériaux récupérés et valorisés », explique Sandy Messaoui, directeur de projet.
Le gros oeuvre est trié et concassé pour être recyclé en granulats de béton ou en graves pour la structure des voiries. Une technique mise au point pendant le chantier permet même de récupérer les plâtres hydrodécapés du bâtiment. "Cela représente 30.000 tonnes de matériaux qui seront revalorisés à 90 %", annonce l'aménageur.
Le deuxième volet du chantier de déconstruction porte sur le réemploi : dépose soigneuse des radiateurs, des chapeaux de cheminée, portes palières, blocs de boîtes aux lettres, dallettes de béton, etc.
"La déconstruction devait durer seize mois, soit la durée d'une démolition à deux mois près et pour un coût équivalent. Elle a été prolongée de deux mois en raison du confinement et s'achèvera à la fin de l'année 2020. Cela n'entamera pas l'acceptabilité du chantier et c'est beaucoup plus vertueux" », souligne-t-il.
« L'idée a été de profiter de la mise en état sanitaire du site pour récupérer les terres inertes jusqu'à 3 mètres de profondeur, d'y ramener la vie microbienne et de réenherber, avec l'ambition de n'importer aucune terre végétale des champs de la plaine d'Alsace pour constituer les espaces publics. Ce seront plus de 20.000 camions évités », escompte Eric Bazard, directeur général de la SPL***. Les anciens remblais et fondations sont également traités in situ pour permettre à la ZAC d'être à 60 % autonome en terres de remblai, soit l'équivalent de 260 000 m3 de matériaux.
** AMO : assistant à maîtrise d'ouvrage
*** SPL : Société publique locale