"Profitons de cette crise pour redéfinir un nouveau modèle agricole"
800 scientifiques ont signé une tribune dans Le Monde pour faire entendre leurs voix face au discours ambiant qui laisse à penser que certains pays courent à la famine en raison du conflit en Ukraine. Parmi eux, Nicolas Bricas, socioéconomiste au Cirad* et titulaire de la Chaire Unesco Alimentations du monde, a répondu à nos questions.
Cette tribune a été motivée par la résurgence d'un discours déjà utilisé en 2008 et 2010/2011 lors de la flambée des prix des matières premières agricoles : face au risque de famine mondiale que pourrait engendrer la guerre en cours, il faut redonner la priorité à la croissance de la production agricole, en raison de la responsabilité nourricière de l'Europe. Cet objectif sous-tend pour certains politiques et responsables agricoles de mettre en suspens la politique européenne "Farm to Fork", volet agricole du Pacte vert pour l’Europe. Ceux-ci pensent aussi qu'il faut reprendre la place occupée par la Russie et l'Ukraine sur les marchés céréaliers. Dans ce contexte, Nicolas Bricas rappelle que "depuis les années 80, à l'échelle globale, le seuil défini par la FAO* de 2500 kcal/jour/personne a été atteint et que la production alimentaire par habitant continue de croitre au niveau mondial". La planète produit environ un tiers de plus que ses besoins nutritionnels, selon les Nations Unies.