Tour du monde des paysages alimentaires urbains
La Chaire Unesco Alimentations du monde a organisé le 7 octobre 2019 un tour du monde des paysages alimentaires urbains avec plusieurs chercheurs montpelliérains et certains de leurs partenaires. Cette session a été introduite par Nicolas Bricas, socioéconomiste au Cirad et titulaire de la Chaire.
Pour Nicolas Bricas, "les questions d’alimentation urbaine sont aujourd’hui cruciales puisque 55 % de la population mondiale vit en ville. Or, les systèmes alimentaires urbains sont problématiques du point de vue environnemental et sanitaire" Les consommateurs des villes mangent des aliments plus transformés et conditionnés et gaspillent plus que les populations rurales.
Le chercheur explique que l'abondance de l’offre favorise des régimes plus gras, sucrés et salés qui, combinés à des modes de vie sédentaires entraînent surpoids, obésité, facteurs de risques de nombreuses maladies comme le diabète ou les maladies cardiovasculaires.
L’émergence d’une classe moyenne disposant d’un certain pouvoir d’achat attise la convoitise de grandes entreprises de la transformation et de la distribution qui investissent dans les villes. Mais elles entrent en concurrence directe et très déséquilibrée avec des milliers de petites activités commerciales, souvent tenues par des femmes. La gouvernance des systèmes alimentaires passe aux mains de ces acteurs puissants et tend à marginaliser les millions d’opérateurs et de consommateurs populaires.
Quand les villes se réapproprient leurs politiques alimentaires
Face à ce phénomène, un nombre croissant de ville réinvestissent la question alimentaire, jouant sur le foncier, les infrastructures de marchés, la restauration collective, la gestion des déchets, soutenant les initiatives de la société civile et inventant de nouvelles formes de gouvernance plus inclusive et participative. Le pacte de Milan est justement la concrétisation de d’un élan collectif de reprise en main des systèmes alimentaires par les pouvoirs publics locaux. "Ces engagements sont encourageants et porteurs d’espoir pour amorcer un changement de système alimentaire."
30 ans d’expertise holistique sur l’alimentation des villes
Le Cirad mobilise plusieurs de ses équipes scientifiques sur les systèmes alimentaires des villes depuis près de 30 ans. Paule Moustier, économiste au Cirad et directrice de l’unité de recherche Moisa est même à l’origine d’une définition* de l’agriculture urbaine et périurbaine qui fait encore référence aujourd’hui (encadré).
Deux projets coordonnés par le Cirad sont actuellement en cours dans le cadre du programme étendard Surfood, monté par le Cirad, l’Inra et Montpellier SupAgro sous l’égide de la Chaire Alimentations du monde et financé notamment par Agropolis Fondation : -
-Urbal - Innovations urbaines pour des systèmes alimentaires durables.Un projet international de recherche participative est déployé dans huit villes du monde : Baltimore, Brasilia, Berlin, Cape Town, Hanoï, Milan, Montpellier et Rabat. L’objectif est de développer et de tester une méthodologie commune pour évaluer la durabilité dans toutes ses dimensions de 12 innovations liées à l’alimentation en milieu urbain.
- Foodscapes - Connaître les paysages alimentaires des habitants : une recherche dans le Grand Montpellier. Pour éclairer les acteurs sur les leviers d’action dont ils disposent en matière d’alimentation, le projet analyse les effets des paysages alimentaires urbains (commerces, marchés, jardins, etc.) sur les styles alimentaires des individus (consommations, pratiques et représentations).
* L’agriculture urbaine et périurbaine est considérée comme l’agriculture localisée dans la ville et à sa périphérie, dont les produits sont destinés à la ville et pour laquelle il existe une alternative entre usage agricole et urbain non agricole des ressources ; l’alternative ouvre sur des concurrences, mais également sur des complémentarités entre ces usages : foncier bâti et foncier agricole ; eau destinée aux besoins des villes et eau d’irrigation ; travail non agricole et travail agricole ; déchets ménagers et industriels et intrants agricoles ; coexistence en ville d’une multiplicité de savoir-faire due à des migrations, cohabitations d’activités agricoles et urbaines génératrices d’externalités négatives (vols, nuisances) et positives (espaces verts) (Moustier et Mbaye, 1999, p. 8).