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Repenser l'agriculture en zone périurbaine

Repenser l'agriculture en zone périurbaine L'agriculture périurbaine © Marie-Laure Balandier

A l’ouest de Lyon, les communes de Pollionnay et de Vaugneray ont encore une tradition agricole, notamment d’élevage, importante. Or, entre l’extension de la métropole et les politiques agricoles, cette agriculture doit sans cesse se réinventer. C’est ce que les éleveurs de ces communes, regroupés en Cuma et accompagnés par les élus locaux, ont fait. Le projet de séchage en grange porté par la Cuma de Pollionnay et Daniel Petitjean s’inscrit dans cette dynamique.

Daniel Petitjean est vice-président de la FRCuma AuRA1 et membre de la Cuma2 de Pollionnay, créée en 1995 avec 3 jeunes agriculteurs. Entre la Cuma des Vallées à Vaugneray et celle de Pollionnay, tout le matériel nécessaire pour faire tourner une ferme en élevage, maraichage ou arboriculture est disponible pour les adhérents. Mais les demandes de ces derniers changent, avec de nombreux agriculteurs sur le territoire qui passent en agriculture biologique avec transformation et vente directe. Ce mouvement s’est accéléré avec la fin des quotas laitiers et davantage encore aujourd’hui avec les attentes sociétales ou encore le dérèglement climatique et les difficultés d’affouragement qui en résultent.

Des élus concernés

« Dès 2012, explique Daniel Petitjean, les élus des communautés de communes ont réuni les agriculteurs. Voyant la fin des quotas laitier arriver et la pérennité d’une agriculture en zone montagneuse mais sans ICHN3, fragilisée, ils ont proposé de nous accompagner dans la réflexion et les changements à mettre en place, en particulier sur la transformation ». En parallèle, Daniel Petitjean a incité à avoir une réflexion plus large sur la réduction des charges, passant par une moindre consommation de luzerne venant d’Espagne. Ainsi, avec des agriculteurs désireux de passer en bio, transformation et vente directe et des éleveurs soucieux de l’autonomie alimentaire de leurs troupeaux, il fallait trouver un nouveau projet pour la Cuma qui risquait de perdre ses adhérents et, au-delà, la dynamique d’échange et de soutien que favorise ce fonctionnement en collectif.

Un GIEE sur les prairies

En 2016, la Cuma a déposé un projet de GIEE4 « Complémentarité des systèmes agricoles pour un plus grand dynamisme territorial : en route pour un séchoir collectif ». Il s’agissait de commencer par réfléchir à quelles étaient les prairies multi espèces les mieux adaptées au territoire et donc de faire des essais. « Le projet était clairement inscrit dans une approche agroécologique globale de réduction des phytosanitaires, réduction de l’érosion, stockage de carbone, stockage d’humus…, et multi-partenarial avec le contrôle laitier, les écoles, les Cuma, les Chambres d’agriculture. Et on a fait beaucoup de formations et de visites de séchoirs puisque c’était notre objectif final ». Dans le même temps, et parce qu’elle travaille son projet politique régulièrement, s’adaptant aux demandes et attentes tant de ses adhérents que de son environnement, la Cuma a accueilli de nouveaux agriculteurs, sur de nouvelles productions (chèvres laitières en bio et transformation) ou en réorientation de pratique, notamment d’arrêt de l’ensilage. Finalité du projet du GIEE, la construction du séchoir a été une aventure qui, pour aboutir, a nécessité beaucoup d’engagement de la part de Daniel Petitjean qui n’a jamais renoncé. Pourtant, tout n’a pas été simple !

Trouver un terrain adapté

« Le premier et plus gros problème était de trouver le terrain. La CCVL5 devait nous en mettre un à disposition, et nous amener l’eau et l’électricité. Elle en avait repéré et acheté un, mais moi je voyais bien que ça n’allait pas, c’était trop proche de la ville de Lyon, trop enclavé et les agriculteurs n’allaient pas passer. On a mis trois ans pour trouver et finalement c’est un terrain qui appartenait à la famille de Jean Marc Delorme, le président de la Cuma, qui a été mis à disposition ».
Et pendant ces trois ans, le coût prévisionnel du séchoir a considérablement augmenté, nécessitant d’aller chercher des financements complémentaires. « Dans le projet, on visait un coût inférieur à 100 € la tonne de foin séché et on avait fait un prévisionnel à 80 €. Mais en septembre 2021, on a eu connaissance d’importantes augmentations du coût de construction, qui mettaient en péril nos choix initiaux ».
Parmi les hausses de prix, celles du raccordement électrique, 140 000 euros, qui n’avait pas été prévue initialement et qui coûte d’autant plus cher qu’on s’éloigne des habitations. Pour y faire face, le collectif a contacté le maire de Pollionnay, Philippe Tissot, qui avait déjà été très aidant pour rendre constructible le terrain, accorder le plus rapidement possible le permis de construire et communiquer avec les habitants. La commune est ainsi intervenue auprès du Syndicat Départemental d’Énergies du Rhône (Syder) pour réduire les coûts, négociation sans laquelle le projet n’aurait peut-être pas vu le jour. Parallèlement, des contacts ont été pris avec la Centrale villageoises des vallons du Lyonnais (CEVIVAL), une société basée à Vaugneray et spécialisée dans l’installation de panneaux photovoltaïques et dont une des membres est également vice-présidente du Syder. Aussi, alors que le projet de départ n’envisageait pas de photovoltaïque, la hausse des prix et les divers contacts pris ont entrainé une réorientation des choix et ce sont finalement 800 m² de panneaux qui ont été installées, produisant 150 kWc et gérés par la CEVIVAL. Ces partenariats locaux ont permis une prise en charge des coûts du projet par différents budgets, avec une prise en charge à 90 % du financement par le Syder et les 10 % restant par la commune.

Communiquer en aval.

En termes de communication, c’est principalement en aval du projet que le plus important a été réalisé. Ainsi, explique Daniel Petitjean, « quand on a déposé le permis de construire, on n’avait pas trop présenté le projet en amont parce que j’avais une mauvaise expérience avec un projet d’installation en volaille qui avait échoué parce que les élus de la commune ne suivaient pas. Donc là on a décidé de ne pas communiquer en amont pour ne pas être empêché, et donc le projet est parti. Il y a eu beaucoup de questions auxquelles le maire a su très bien répondre. De même, le président de la Cuma a fait des rencontres avec des citoyens, surtout des communes adjacentes qui sont géographiquement plus proches et qui avaient des questions autour de la pollution, de la poussière, de la circulation ».
Toujours dans cette dynamique de lien avec les acteurs du territoire, en mars 2022, une association d’art contemporain, l'Association Geneviève Dumont, à Pollionnay, a pris contact avec la Cuma pour savoir si les agriculteurs seraient intéressés pour participer à une action sur la ruralité, avec notamment l’idée d’une sculpture en paille. Accueillie favorablement, cette proposition a été l’occasion d’expliquer le projet à la population. « On a apporté le foin, ils ont fait la sculpture et nous avons tenu un stand pour expliquer à quoi servait ce bâtiment ».
Pour mener à bien un projet d’envergure comme celui-là, il faut de la ténacité. Et Daniel Petitjean, qui l’a porté sans faille, confirme : « Si c’était à refaire, on le referait certainement, c’est sûr que c’est usant par contre. Il faut être hyper motivé, il faut être un peu teigneux, il faut aller négocier avec les banques aussi. Il faut aussi bien s’entourer pour l’accompagnement, pour nous c’est la FRCuma, la FDCuma, le SOL6, et être vraiment à l’écoute, déjà des agriculteurs du territoire. Les élus doivent écouter les agriculteurs pour savoir quels sont leurs besoins pour faire émerger les projets et nous agriculteurs, devront être à l’écoute pour savoir taper aux bonnes portes au bon moment…Tout ça fait une globalité. Ça prend beaucoup de temps mais on peut y arriver ».
Et les projets appelant les projets, la Cuma est désormais engagée dans un projet de lac avec une station de pompage, reprise d’un lac creusé au début des années 1980, remis aux normes pour doubler le volume d’eau et installer un maraicher.

Yasmine Lemoine - Trame

Article paru dans la Revue Travaux & Innovations - N°299 - Juin-Juillet 2023

1 Fédération Régionale des Cuma Auvergne Rhône-Alpes
2 Coopérative d'utilisation du matériel agricole
3 Indemnité compensatoire handicap naturel
4 Groupement d'intérêt économique et environnemental
5 Communauté de Communes des Vallons du Lyonnais 
6
Syndicat de l'Ouest Lyonnais
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