L’École Du Breuil forme les agriculteurs et agricultrices urbain.e.s de demain, mais pas que !
Depuis 2020, l'École Du Breuil propose un Brevet Professionnel Responsable d’Entreprise Agricole (BPREA) spécialité "Fermes agroécologiques urbaines et péri-urbaines", à des demandeurs d'emplois, salariés et autres professionnels possédant un diplôme de niveau 3 (CAP ou BPA).
Ses deux coordinateurs du diplôme, Étienne Le Bideau, 29 ans, ingénieur agronome et éleveur, et Simon Ronceray, 29 ans, ingénieur agronome et maraîcher, nous racontent les prémices de la formation et son évolution. Leur récit sera complété par des témoignages d’élèves.
« En 2018, on nous parlait de salariat en agriculture urbaine. Progressivement, les profils des étudiant.e.s vont vers le rural », nous confie Étienne. Et Simon d’ajouter : « la tendance rurale est plus acceptée », et « l’année Covid a aidé à se dire que finalement, le rural c’est chouette ! »
Alors que le monde rural, marqué par les départs en retraite de ses agriculteurs, est à la recherche de nouveaux visages pour reprendre des fermes existantes, Étienne et Simon nous expliquent comment l’agriculture urbaine joue un rôle de transition et de tremplin pour des urbains engagés !
D’ingénieurs agronomes à coordinateurs de formation pour adultes
C’est durant leur année de césure en 2014 qu’Étienne et Simon, accompagnés d’un de leur compère, Yoann Durrieu, prennent à bras le corps un « sujet émergent, déjà bien développé dans d’autres pays d’Europe à l’époque » et partent faire un tour de l’Europe en vélo à la découverte de ces pratiques urbaines et agricoles.
Puis, en 2017, respectivement en poste d’enseignant en agriculture et environnement dans un collège-SEGPA, et agriculteur urbain de l’association Veni Verdi, Étienne et Simon reprennent la coordination de la SIL à l’École du Breuil (Spécialité d’Initiative Locale « Agricultures urbaine et péri-urbaine », formation pour adultes impulsée par la ville de Paris) avec une idée déjà en tête : en faire un BPREA, un « diplôme extrêmement reconnu en France, qui permet d’avoir la capacité professionnelle agricole, des aides à l’installation et la reconnaissance locale par les pairs » nous explique Étienne.
De la SIL au BPREA…
À l’époque, la formation pour adultes, créée par Nadine Lahoud (Veni Verdi) et Jean-Luc Picard, avait été initiée par la ville de Paris, avec pour objectif de former des porteurs de projets pour répondre aux Parisculteurs. La SIL, c’était alors 400 heures de cours théoriques et 20 semaines de stage, répartis comme suit : 3 jours de cours, 2 jours à l’école. Aujourd’hui, le BPREA compte 1200 heures de cours et 12 semaines de stage.
Alternant de longues périodes de cours et de stages, le BPREA se divise en trois grands volets : un premier reprenant des sujets « de base » (histoire des agricultures, biologie végétale, agronomie…), le second s’attelant à des sujets plus spécifiques à l’agriculture urbaine, pour finir en beauté par des cours de commercialisation, de gestion d’entreprise… « Le tout ponctué par des récits d’acteurs du monde agricole », souligne Étienne, choisis avec soin par les deux coordinateurs.
C’est lors des fêtes de l’école, des portes ouvertes et des réunions d’information que la plupart des potentiels étudiants se manifeste. Un dossier de candidature est accessible dans le courant de l’automne, suivi de près par des entretiens individuels. Des appels peuvent être lancés pour mieux comprendre les motivations de certains futurs étudiants, parfois difficilement décelables avec le seul dossier écrit.
« On cherche avant tout des profils qui ont une envie, entre production agricole et multifonctionnalité des services : pédagogie, social… », nous précise Simon.
De 120 candidatures en 2020… à 160 en 2021… Des profils qui évoluent !
Pour la grande majorité des élèves en formation, il s’agit bel et bien d’une reconversion.Mais, « cette année, on a eu affaire à des profils de plus en plus jeunes, de plus en plus de trentenaires se sont inscrit.e.s, issu.e.s de métiers intellectuels et créatifs », s’étonne Simon. « On passe de 120 candidatures en 2020, à 160 en 2021 », nous rapporte Étienne.
De quoi faire réfléchir sur le sens que cette jeunesse donne aujourd’hui à des métiers dits « intellectuels ». Des métiers derrière l’ordinateur plutôt ! En effet, Simon nous le précise : « Le maraîchage, et plus largement les métiers de l’agriculture urbaine, demandent une grande rigueur et de grandes capacités organisationnelle et intellectuelle ».
Des profils de plus en plus tournés vers le rural
L’agriculture urbaine ne serait-elle qu’un prétexte pour une ruralisation généralisée ? « L’agriculture urbaine offre l’idée confortable de pouvoir conserver sa vie parisienne tout en faisant un métier plus proche de ses valeurs et du vivant. En s’intéressant de plus près à l’agriculture rurale, lors des stages notamment, certain.e.s élèves découvrent aussi qu’un mode de vie dynamique et culturel est accessible en campagne », nous dit Étienne.
Simon et lui l’ont remarqué, les profils se « ruralisent », du choix des stages aux choix professionnels. La faute à la Covid, au climat ambiant ? Peu importe la raison, cette évolution est une bonne aubaine pour les jeunes coordinateurs, qui demeurent convaincus de l’importance d’investir le monde rural. De nombreux exploitants partant en effet bientôt à la retraite, il devient urgent de former les agriculteurs et agricultrices de demain, pour reprendre ces fermes.
Pour Simon, « L’agriculture urbaine mêle tous les champs intéressants de l’agriculture : environnementaux et sociaux ». Il ajoute même que « l’agriculture urbaine d’aujourd’hui sera l’agriculture rurale de demain ! »
Loin de faire de la propagande, les deux coordinateurs, eux-mêmes installés ou en phase d’installation à la campagne, s’attèlent à introduire des notions de gestion collective tout au long de la formation. Rendant la vie des agriculteurs plus soutenable, la gouvernance collective permettrait donc à cette nouvelle génération d’entrepreneurs de renouveler le monde agricole.
Étienne le souligne enfin, « le BPREA de l’École du Breuil, c’est de l’urbain, du péri-urbain, de l’agroécologie, de la culture de petites surfaces contraintes, de la diversification d’activités, mais aussi du collectif ! »
2020, une drôle d’année !
Étienne et Simon nous l’assurent « la Covid n’a pas eu d’impact sur l’enseignement, seulement sur les temps « off » et sociaux, mais sur les apprentissages, ça ne s’est pas ressenti. »
C’est à bras le corps que les deux jeunes coordinateurs ont pris en main la nouvelle organisation en mars dernier, lors du premier confinement. « C’était finalement assez excitant, et assez fou, aussi, de voir qu’on pouvait assurer une bonne qualité de cours, tout en étant chacun chez soi ! ». Les élèves, quant à eux, témoignent d’une petite déception face à la crise sanitaire. En effet, ils estiment « ne pas avoir pu autant pratiquer sur le terrain qu’ils l’auraient souhaité ».
De costumière dans le cinéma à artiste agricole
Corinne Barrandon (dite « Coco »), 55 ans, originaire des Cévennes et vivant à Paris, nous raconte son expérience. Ravie d’avoir terminé sa formation avec brio, elle nous confie : « cette formation m’a grandie, je me sens quelqu’un d’autre, je suis beaucoup plus sûre de moi aujourd’hui ! »
Comment avoir choisi cette formation ? C’est lors de séances de bénévolat dans la ferme urbaine Zone Sensible à Saint-Denis, gérée par le Parti Poétique, que Coco fait la rencontre de Franck Ponthier, responsable de la production, et qu’elle se rend compte « de l’importance de l’agriculture urbaine pour le lien social et pour réconcilier les citadins à la nourriture ». C’est aussi à cette occasion qu’elle échange avec des stagiaires de la SIL de l’École du Breuil et qu’elle entend pour la première fois parler de cette formation, qui lui donne envie. Ce fut l’opportunité, pour Coco, de réaliser son « premier grand rêve de faire de l’agriculture ».
Finalement, SIL (Spécialité d’Initiative Locale « Agricultures urbaines et péri-urbaines ») ou BPREA, Coco aurait dans tous les cas suivi la formation.
Ce qu’elle a aimé : La bienveillance des formateurs et des intervenants, et la transmission de savoirs.
« J’ai aussi beaucoup apprécié les stages, qui nous confrontent à la réalité, et le projet de micro pousses que j’ai mis en place avec deux autres élèves de la promotion. J’ai pu transmettre des connaissances que j’avais pu acquérir lors de mon passage au Paysan Urbain. » En effet, Coco, loin d’être une novice, avait déjà une certaine expérience dans le domaine de l’agriculture urbaine.
Et après ? « Mon projet futur c’est de créer une utopie, en collectif : recevoir des artistes, faire du maraîchage, cultiver des plantes aromatiques et médicinales ». « La formation m’a conforté dans mon idée, dans mon projet, il me reste à trouver un lieu ». « Outre mon projet agricole, je souhaite ramener de la culture dans nos campagnes ! » Coco a plusieurs pistes, dans le Limousin et dans les Cévennes. Elle se prépare avec impatience à la suite de son aventure agricole !
Et vos proches, qu’ont-ils pensé de votre reconversion ? « Il y en a qui ont éclaté de rire, dans mes amis, mais dans ma famille, on m’a vraiment prise au sérieux ! » Aujourd’hui, son souhait le plus cher, c’est de prouver aux gens qui en rient qu’« être paysan, c’est être noble », conclue-t-elle.
D’interprète en langue des signes à maraîchère engagée
Claire Bernadat, 31 ans, vivant à Lyon, nous parle de sa reconversion.
« Ce que je retiens, c’est la qualité des intervenants et des cours, notamment en comparaison des autres BPREA {…} Les intervenants qu’on a eus sont la crème de la crème ».
Comment avoir entamé ce projet de reconversion ? C’est lors de plusieurs expériences de bénévolat et de Wwoofing, notamment à Montréal, dans une ferme urbaine, Le Santropol Roulant, que Claire s’approprie peu à peu le sujet de l’agriculture urbaine, sans réellement en avoir conscience. Au travers de ses péripéties, elle fait la rencontre d’une ancienne étudiante de la SIL, et découvre alors la formation de l’École du Breuil.
Pour Claire, le fait que la SIL se transforme en BPREA est un « vrai plus », d’autant que pour elle, « la SIL était très connotée « parisien » ». Elle nous confie même : « si ça avait été encore la SIL, pas sûre que je me sois inscrite ». Aujourd’hui, le BPREA lui donne une certaine reconnaissance, dans toute la France, et notamment à Lyon, où elle souhaite, dans un premier temps, développer ses activités.
Ce qu’elle a aimé : « Ce qui était très intéressant, c’est d’avoir une grande diversité de points de vue dans les interventions. La formation n’est pas 100% orientée. » En effet, l’agriculture n’est pas une science exacte, chacun peut y faire ses expériences. Les périodes de stage ont été pour elle l’occasion de mieux cerner ce qu’elle souhaite vraiment.
Claire nous fait finalement part d’une petite déception sur le côté « pratique », elle regrette de ne pas avoir eu plus de cours en extérieur. Mais la crise sanitaire en a voulu autrement.
Et après ? « Idéalement, j’aimerais monter un projet avec une ancienne de la promo ». Mais aujourd’hui, Claire souhaite se laisser le temps, reprendre contact avec les acteurs de l’agriculture urbaine à Lyon, et « laisser décanter tout ça, avant de faire émerger de nouvelles choses ». L’objectif, donc : se salarier, puis monter un projet dans un second temps. Le tout à Lyon, plutôt en péri-urbain, et dans un second temps, pourquoi pas en collectif à la campagne.
Et vos proches, qu’ont-ils pensé de votre reconversion ? « Ma maman n’a pas trop compris. Venant du monde agricole, elle a elle-même cherché du travail en ville, à l’époque. Ça a été un peu compliqué à comprendre pour elle. Elle s’accroche beaucoup au côté « urbain ».
« Quant à mes ami.e.s, ils ne s’intéressent pas beaucoup à l’agriculture urbaine. Ils sont contents de me voir heureuse, mais ne comprennent pas vraiment. Ils me voient sur un toit, se questionnent sur comment l’agriculture urbaine pourrait nourrir la ville… »
De journaliste vidéaste à agriculteur urbain
Gregory Schepard, 41 ans, vivant à Paris, nous explique son désir de changement.
« Pour moi, j’entame une reconversion, j’ai envie de travailler sur des projets concrets. Cependant, je n’ai pas non plus envie de mettre à la poubelle tout ce que j’ai fait avant. J’aimerais mêler l’audiovisuel et l’agriculture urbaine dans mes activités futures ».
Pourquoi avoir entamé cette formation ? Recherche de sens, questionnement sur les enjeux environnementaux, une envie furieuse de travailler dehors, d’apprendre des choses sur la nature, telles ont été les motivations de Gregory pour suivre ce BPREA. Plus encore, la naissance de ses deux enfants, qui l’ont fait réfléchir à l’avenir qu’il leur laisserait. Pour lui, SIL ou BPREA, cela n’avait aucune importance. Il ne savait d’ailleurs pas vraiment ce qu’était un BPREA.
Ce qu’il a aimé : Les stages, qui ont marqué pour lui un véritable déclic. « Ça m’a permis de prendre confiance en moi, de réaliser que j’étais capable de faire des choses. » Gregory insiste sur le fait que c’est son stage en milieu rural qui lui a le plus apporté, notamment sur les aspects productifs et de techniques agricoles. « Je n’y connaissais rien en arrivant en mars dernier, j’avais vraiment besoin de cette confirmation que j’avais appris des choses. »
Gregory nous confie avoir été très content de l’examen final, au point qu’il envisage d’en faire quelque chose dans son avenir professionnel. Et après ? « Au départ je n’avais pas vraiment de projet défini, mais je m’étais donné trois temps : un premier pour m’inscrire dans une structure existante, un second pour monter mon propre projet, un troisième pour faire de l’accompagnement et développer la filière {…} Aujourd’hui, finalement ça n’a pas tellement changé, j’entame une formation, « Atterrir », qui va m’accompagner pour lancer mon projet pendant 6 mois ».
Et vos proches, qu’ont-ils pensé de votre changement ? « Tout le monde me dit c’est super, l’agriculture urbaine c’est génial ! ». Même si beaucoup de personnes se questionnent encore beaucoup sur la pollution. « Je leur réponds que le plus gros enjeu en ville, ce n’est pas tellement la pollution de l’air, mais plutôt celle des sols ».
Finalement, c’est grandis que ressortent les élèves de cette formation pour adultes ! Avec un pourcentage élevé de personnes en reconversion, la diversité des profils témoigne de la richesse de ce BPREA.
Malgré la déception des élèves quant au manque de pratique dû à la crise sanitaire, ce sont des cours de qualité qui sont proposés, mais aussi des rencontres, pour faire de l’agriculture urbaine un véritable outil de sensibilisation et de pédagogie auprès des citadins !
Plus d'informations sur le BPREA
D'autres formations en agriculture urbaine :
- Une formation sur les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT)
- Le MOOC "Bâtiment et Biodiversité", gratuit et pour tous
- Formation aux métiers de la transition écologique