Parcours : Jean-Luc Bergeon, élu à Lunel et engagé pour la transition
Jean Luc Bergeon, engagé dans le tissu associatif et sportif local, à Lunel est élu, depuis 2020. En tant que conseiller Régional Occitanie, il a mis en place le Jardin des Métropoles. Il nous détaille le projet et ses engagements.
Comment votre territoire cherche-t -il à répondre aux enjeux de la transition écologique ?
Pour pouvoir répondre à cette question, il est indispensable en amont de resituer le territoire du pays de Lunel qui est celui qui nous intéresse, positionné exactement à équidistance des Métropoles Montpellieraine et Nîmoise et adossé aux frontières naturelles du Gard et de l’Hérault. Si on part du principe que le sujet de la transition énergétique pose la question d’un nouveau modèle économique et social, en mesure de répondre aux enjeux écologiques de notre siècle, le pays de Lunel, territoire « Rurbain » s’il en est, s’avère être un cas d’école. Comment aux portes d’u modèle métropolitain dominant, peut-on repenser notre façon de produire, de travailler, de vivre ensemble, d’habiter un territoire pour le rendre plus durable, plus respectueux des enjeux environnementaux et sociaux de notre siècle ?
Je me suis donc engagé dans le fait de répondre collectivement à ce défi, en m’appuyant sur les femmes et des hommes qui ont façonné ce territoire, ses paysages, en valorisant leur savoir-faire.
Le pays de Lunel avait une longue histoire agricole et viticole qui a porté à bout de bras tout un pan de l’économie locale pendant la première partie du XXème siècle. Le Muscat de Lunel, L’AOP Languedoc, mais aussi la tonnellerie, la filière vestimentaire, le verre, le maraichage, l’élevage, la tradition camarguaise, tout était lié à la terre nourricière. Cette dimension économique avait pour levier fondamental, le port de Lunel, qui était relié à la mer par le canal du même nom. Point de route à l’époque ou de réseau de voie ferrée suffisamment développé, le transport de tout un pan de l’économie était fluvial et Lunel la plaque tournante d’un important développement économique.
Le pays de Lunel avait donc tous les atouts pour répondre aux enjeux de la transition énergétique, sauf qu’à la fin du XX -ème siècle, les décideurs ont choisi de métropoliser ce territoire et ont consommer en 20 ans autant de foncier agricole qu’en 20 siècles. Avec l’an 2000, le temps de la métamorphose était arrivé.
Est-ce que l’agriculture est pour vous un axe structurant de cette métamorphose en cours. Et si oui comment ?
L’agriculture est un métier d’avenir ! C’est par ces propos que je me suis engagé dans la bataille, pour un développement rural endogène et pour faire bouger les lignes. A la fin du XXème siècle, la terre agricole a été victime d’un double phénomène. Elle a été appréhendée essentiellement comme une réserve foncière pour de l’urbanisation pavillonnaire et économique. D’une part à travers le modèle des années 70/80, la villa avec son jardin dont tout le monde rêvait et d’autre part pour permettre de répondre à l’afflux de nouvelles populations, en périphérie de villes qui commençaient à manquer d’espace.
Mais également dans sa dimension économique pure par la création d’immenses zones d’activités et de par l’attractivité du littoral et du climat méditerranéen aidant, n’oublions pas la mission Racine et la création ex nilo de La Grande Motte.
Le pays de Lunel a cru bon de s’adosser à cette double perspective, la ville centre a doublée en population pour dépasser aujourd’hui les 25 000 habitants, les villages limitrophes Lunel-Viel, Saint-Just Marsillargues, Villetelle ont multiplié leur population par 4 ou 5. Enfin de nombreuses zones d’activités sont sorties de terre comme un copier/coller du modèle métropolitain voisin.
L’exemple le plus parlant est celui de la cave coopérative de Marsillargues, plus grande cave viticole d’Europe en matière de potentiel de stockage en hectolitres, aujourd’hui détruite et qui a laissé place à des logements. Il en est de même pour les caves coopératives de Lunel, Lunel Viel, Villetelle, toutes détruites, seule celle de Saint-Just a été conservée, réhabilitée avec une fonction différente.
L’agriculture est un métier d’avenir. Qu'en pensez-vous?
Oui, mais quelle agriculture ! Certainement pas celle que nous avons connu dans la première partie du siècle dernier, où l’on faisait « pisser » la vigne. Certainement pas celle des années 80 à 2000 où l’emploi des intrants était monnaie courante. Certainement pas celle dont le modèle économique n’était plus adapté et totalement vampirisé par la flambée des prix du foncier constructible.
L’agriculture, engagée, sur les questions de société, d’alimentation saine, d’aménagement du territoire, de préservation de la ressource en eau, de la valorisation des paysages, de promotion des circuits courts …. C’est cette agriculture-là qui qui peut être un axe structurant de la métamorphose.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le concept de « Jardin des Métropoles » ?
Le concept jardin des Métropoles prend tout son sens dans la question de l’aménagement durable du territoire « rurbain » du pays de Lunel que nous venons de décrire entre Montpellier et Nîmes. Le concept est lâché « agriculture péri urbaine », c’est la colonne vertébrale de notre réflexion. Il se concrétise aujourd’hui par une étape importante qui est celle de la création de la première commune nouvelle de l’Hérault au premier janvier 2019, appelée Entre-Vignes, née du rapprochement du village de Vérargues et de sa cave coopérative AOP Muscat de Lunel et de celui de Saint-Christol, de sa cave coopérative AOP Languedoc, le tout renforcé par près d’une dizaine de domaines viticoles privés. Il s’agit de gérer les enjeux de la transition énergétique à l’échelle d’un territoire pertinent.
Il s’agit de se réapproprier le fait rural et d’essayer de faire à plusieurs ce que l’on ne pourra plus faire tout seul. Le concept est d’inventer le village du XXIème siècle, bien loin du village rêvé de notre enfance, celui qu’on ne retrouve plus guère que dans les livres de Pagnol.
Le jardin des Métropoles, c’est la question du maintien du fait rural pour tous, autochtones, comme nouvelles populations, dans tout ce que le monde rural peut véhiculer comme composante structurante de la société française.
Il sera donc question de convoquer le sujet de l’agriculture péri urbaine mais également celui de la fracture numérique, de l’adaptation de la société au vieillissement dans le monde rural, du maintien des services, de la mobilité, du logement, de l’innovation, de l’emploi….
Le jardin des Métropoles est quelque part une forme de réponse à la question de la transition énergétique, et Viavino en est la vitrine de qu’il est possible de faire.
En quoi Viavino préfigure l’avenir selon vous des territoires ruraux proches des métropoles ?
Viavino a été créé pour favoriser un modèle de développement viticole et agricole économique local, générateur d’emplois non délocalisables sur les valeurs du développement durable. Il était uestion de montrer que le développement endogène était une voie de réponse potentielle pour le territoire du pays de Lunel qui avait épousé principalement le modèle exogène venu des métropoles voisines. Pour entrer dans cette dynamique, il fallait innover et ouvrir d’autres espaces, c’est ce que nous avons essayé de faire en nous engageant il y a 15 ans résolument dans l’œnotourisme, l’agritourisme. Doublé d’une dimension architecture durable Viavino a ainsi obtenu avant son ouverture le label « PER » Pôle d’Excellence Rurale. Cette excellence nous avons eu parfois une certaine difficulté à l’assumer et à la comprendre tant sur le plan politique comme sur le plan de la filière locale. Le défaut d’appropriation du concept Viavino par les acteurs locaux a été un frein important au développement et à la réussite du projet. Rarement un site aura si bien conjugué l’adage, nul n’est prophète en son pays, honoré, récompensé respecté à l’extérieur de son territoire, Viavino a été très décrié en pays de Lunel.
Il y a 15 ans, Viavino parlait déjà de l’avenir d’un territoire agricole proche d’une métropole. Notre participation en 2010 à un colloque organisé sur le sujet par l’université de Catalogne à Villafranca Del Pénédes en témoigne. La présence de proximité de Barcelone, la tentaculaire, inquiétait fortement les viticulteurs locaux.
Aujourd’hui, le nouveau projet, intitulé, Viavino 2.0, se veut être une renaissance du site, qui doit permettre au projet, d’atteindre sa véritable dimension et de trouver sa place dans le développement du pays de Lunel.
En tirant les enseignements des erreurs passées et en ouvrant le champ des possibles au maintien du fait rural dans toutes ses composantes, bien au-delà du seul secteur de l’œnotourisme, Viavino 2 .0 doit savoir qualifier sa maturité pour répondre collectivement aux défis locaux et pourquoi pas un jour faire école pour d’autres territoires de demain.
Et si vous aviez un conseil à donner aux élus pour se lancer sur une dynamique ambitieuse comme la vôtre, quel serait-il ?
Avoir un vrai projet, garder la foi, croire toujours en ce qu’on fait, ne pas baisser les bras et surtout savoir s’entourer, savoir écouter, ne pas avoir peur de se déconstruire.
Cette dynamique est celle qui permet de vivre une aventure hors du commun, une expérience qui vous porte et qui vous amène à rencontrer des gens extraordinaires dans lieux que vous n’aviez même pas imaginé.
J’ai présenté Viavino à Shangaï, à Venise, à Barcelone, à Lisbonne, à Angers, à Nantes, à Paris, à Bruxelles, à Rennes, à Lille, à Montpellier, à Marseille, à Beaune….Si votre engagement est sincère, si vous avez une belle idée, chevillée au corps allez-y, parce que vous devez l’incarner.
La force du projet ajoutée à votre détermination vous fera renverser des montagnes.
Force est de constater qu’un des leviers majeurs est l’engagement des élus, la volonté de quelques acteurs locaux, qui plus est économiques, et le choix de ne pas composer contre mais avec, comme ce fut le cas ici vis-à-vis de l’expansion du territoire métropolitain. Les alliances et le décloisonnement des pratiques seront certainement demain des facteurs de réussite pour penser l’agriculture comme intégrative, territoriale et rassembleuse.
Jean-Luc Bergeon a 57 ans et est père de deux enfants. Son parcours professionnel et personnel est essentiellement tourné vers autrui et les thèmes de la société. Son engagement s’est structuré dans un premier temps, à travers le tissu associatif et sportif. Par la suite, pendant près de 20 ans, il a exercé le métier d’éducateur spécialisé auprès de personnes en difficultés. Depuis le début des années 2000, il est élu de la République et a exercé différents mandats successifs dont celui de Conseiller Régional Occitanie qu'il occupe encore actuellement.