Les fermes verticales sont le symbole d'une agriculture d’un nouveau genre où les compétences "tech" viennent presque remplacer les savoir-faire paysans. Welcome to the jungle, média en ligne spécialisé sur le travail et l'emploi, est allé à la rencontre de trois « nouveaux agriculteurs » afin d’en savoir plus. Nous publions ici des extraits de ces portraits.
Andrew Worrall : le citadin qui se rêvait paysan
À 25 ans, Andrew Worrall est aujourd’hui directeur de ferme chez LettUs Grow, fournisseur anglais de technologies pour l’agriculture en environnement contrôlé (AEC). Celui qui se définit comme un « citadin londonien » a suivi des études vétérinaires avant de décrocher, à 18 ans, son premier travail dans une ferme d'élevage de 3000 brebis, 1500 porcs et 70 hectares au nord de la capitale. Il quitte vite ce travail qui ne lui convient pas « je me sentais trop proche des animaux pour les élever dans un tel environnement », et trouve un poste de technicien en aquaponie chez GrowUp Farms, une ferme verticale londonienne. Cette expérience lui fait gagner ses galons d’expert, qui le mènent chez LettUs Grow en 2019. Sa mission consiste principalement à ensemencer, récolter ou veiller au bon entretien de la ferme. La start-up LettUs Grow s’appuie sur l’aéroponie (plantes maintenues en suspension dans le vide). Pour Andrew, le défi consistant à déterminer la meilleure « recette » pour chaque plante est la partie la plus intéressante de son travail. Son principal outil de travail est Ostara, un logiciel interne, le « cerveau de l’exploitation » qui lui permet de suivre le cycle de croissance des plantes. Selon lui, l’agriculture hors sol, est l’avenir, « mais ça ne veut pas dire que ce doit être l’unique mode d’agriculture. » Andrew imagine davantage une coexistence avec des méthodes plus conventionnelles. Le savoir acquis par le biais de la technologie peut servir l’agriculture traditionnelle.
Dhiresh Tailor : l’écolo convaincu gagné par une ferveur technologique
Dhiresh Tailor s’était tout de suite orienté vers le développement durable et à 27 ans devient directeur des opérations chez Square Miles Farm, à Londres. Pourtant, au début, l’agriculture verticale le laissait sceptique. Le principe du hors sol ne lui plaisait guère « à cause de ce recours inévitable à l’électricité, à une modernité galopante. » Mais son début de carrière lui a fait voir les choses autrement. Le potentiel écologique de ce nouveau mode de production est devenu une évidence à ses yeux, notamment parce que la consommation d’eau y serait réduite au strict minimum et les pesticides/herbicides absents du décor. Square Miles Farm propose des solutions verticales clé en main pour les entreprises et les particuliers. La start-up possède aussi sa propre ferme hydroponique, sur le toit d’un immeuble du quartier d’affaires de Paddington, à Londres. Avec elle, Dhiresh se forme à l’hydroponie et en devine bientôt le potentiel. Dhiresh met souvent la main à la pâte : il vérifie les embouts des goutteurs, l’absence de nuisibles, complète les apports en nutriments dans les doseurs automatiques, plante, récolte… Le nettoyage représente la tâche la plus lourde. « L’hydroponie exige que tout soit impeccable. On peut automatiser le processus jusqu’à un certain degré, mais rien ne remplace l’œil humain». Dhiresh anime aussi des ateliers en ligne sur l’hydroponie et n’hésite pas à partager ses connaissances sur les réseaux sociaux. « Plutôt que de m’époumoner ou de chercher à prêcher la bonne parole, j’apprends à ceux qui le souhaitent comment changer tranquillement leurs habitudes. J’estime que l’impact n’en est plus que fort. »
Aude Vuilliomenet : l’experte biotech au service de l’AEC
Aude Vuilliomenet, 26 ans, est ingénieure IoT junior chez Vertical Future à Londres. L’IoT, c’est l’Internet des objets, à savoir les appareils connectés. Aude découvre les fermes verticales et les systèmes aquaponiques pour la première fois à l’Expo 2015 de Milan, sur le pavillon belge. Partie à Londres se former en analyse urbaine et villes intelligentes, cette suissesse a choisi de s’y installer. Avec un bagage en sciences de l’alimentation, villes intelligentes et ingénierie, et une expérience dans une ferme caprine italienne, l’industrie de l’agriculture verticale a été une évidence pour Aude. Aujourd’hui, chez Vertical Future, Aude se sert de capteurs permettant de recueillir des données sur la croissance des plantes. Elles sont envoyées vers la plateforme en ligne DIANA, le logiciel sur lequel VerticalFuture s’appuie ensuite pour les analyser. Avec l’équipe d’ingénieurs en mécanique, elle invente des solutions IoT dans le domaine de l’AEC. Elle collabore aussi avec des phytobiologistes pour optimiser et automatiser les cycles de croissance des plantes. Aude se passionne pour tout ce qui touche au bien-être. Elle estime que la médecine a ses limites et que la solution tient à l’amélioration de notre environnement immédiat. C’est là qu’interviennent les fermes verticales à taille humaine, à but non lucratif : dans les villes, les écoles, les appartements ou les bureaux.