La thèse de Rémi Junquera* s’intéresse aux relations historiques et contemporaines entre l’habitat et l’agriculture en ville. Est-ce que les pratiques agricoles professionnelles à vocation économique sont possibles à proximité de la ville ? Cette étude démontre que "habiter et cultiver peuvent être pensés comme un tout, architectural et agricole".
La première partie de cette recherche est consacrée aux relations entre l’habitat et l’agriculture en ville du XVe siècle au XXe siècle. Elle permet d’identifier les raisons pour lesquelles l’agriculture se développe ou s’efface au sein des villes, ainsi que les rôles que celle-ci joue sur les dimensions alimentaires, économiques, sociales, spatiales et ambiantales.
aux contextes sociétaux dans lesquels elle s’inscrit
La seconde partie s’intéresse à l’agriculture urbaine actuelle et plus précisément aux fermes urbaines construites, leurs capacités polyformes et polytechniques, ainsi qu’aux valeurs sociales, environnementales, économiques et alimentaires que portent les fermiers. Des focus accompagnent le développement de ce chapitre en précisant les dynamiques favorables à la réintégration de pratiques agricoles professionnelle en ville et soulignent les principales difficultés d’ordre économique qui conditionnent la création et la durabilité d’une ferme urbaine.
La dernière partie expérimente la faisabilité et la construction de fermes urbaines. L’enjeu est de matérialiser l’ensemble des réflexions précédentes pour véritablement ancrer l’étude dans l’opérationnalité. La première expérimentation, « Habiter une ferme urbaine », consiste à imaginer et construire une ferme urbaine dans, sûr et autour d’un îlot de logement collectif social neuf, afin que la ferme et le logement ne soient plus des entités urbaines séparées, mais un ensemble capable de proposer une nouvelle manière d’habiter la ville. La deuxième expérimentation de « ferme urbaine diffuse » consiste à étudier l’ensemble des sites d’un quartier d’Annemasse pour y intégrer une ferme urbaine. L’enjeu est de mettre en relation plusieurs sites ensemble, afin de « diffuser » l’agriculture dans le quartier. En parallèle, un prototype de « serre agricole au-dessus de places de stationnement » a été réalisé pour multiplier les surfaces agricoles, améliorer la viabilité économique agricole et transformer le paysage sensible.
Faire cohabiter habiter et cultiver
Le travail effectué dans cette thèse souhaite enfin redonner un véritable sens historique aux relations entre l’habitat et l’agriculture en ville. Il témoigne que l’exercice économique et professionnelle de l’agriculture urbaine est possible et même souhaitable, y compris pour les habitants voisins. Il place les ambiances et le vécu polysensoriel des habitants au centre des attentions, comme une condition inhérente à une cohabitation heureuse. Cette thèse avance des stratégies économiques, spatiales, ambiantales, ainsi que des expérimentations de méthodes et d’architectures inédites.
Habiter et cultiver peuvent être pensés comme un tout, architectural et agricole comme cela a pu l’être dans le passé.
** : Rémi Junquera intervient comme architecte-urbaniste, docteur en architecture spécialisé en agriculture urbaine, pour accompagner les porteurs de projets privés et publics à réintégrer l’agriculture dans les projets architecturaux et urbains. Il est également chercheur-associé au laboratoire PROJECT[S] et enseignant à l’ENSA Marseille.