Damien Butin ingénieur paysagiste* présente la genèse et les objectifes de l'ouvrage** pour une méthode d’analyse globale du « grand paysage » et de son écologie. Il propose des orientations stratégiques d’évolution et de transformation au travers d’un projet de parc naturel basé sur le principe de la renaturation.
Damien Butin, est directeur de la direction stratégie et maîtrise d’ouvrage du patrimoine naturel à Bordeaux Métropole.
Pourquoi avoir écrit cet ouvrage et quelle est sa genèse ?
La maison Berger-Levrault m'a sollicité pour ce projet qui consistait en première intention à partager des éléments de méthode, des outils duplicables et du contenu technique dans le but d’accompagner les maitres d’ouvrage à développer un projet d’aménagement paysager conçu avec les contraintes que peut imposer l’espace public.
A partir de cette donnée d’entrée, il a été possible d’ouvrir la réflexion, pour donner du sens et une justification au besoin de concevoir un aménagement paysager. Il a été proposé d’abord de raisonner à l’échelle macro, c’est-à-dire à l’échelle d’une conurbation afin d’objectiver ses forces et ses faiblesses au travers du "grand paysage" grâce notamment à l’élaboration d’un plan paysage et écologie.
L’objectif étant de dégager les enjeux de cet œkoumène de référence pour ensuite proposer un plan d’actions. Ce dernier répondant à des objectifs pluriels selon ses différentes unités paysagères identifiées : le paysage de l’habitat, le paysage des infrastructures, le paysage agricole, …
Comment est organisé et structuré l'ouvrage?
De ces enjeux par unités paysagères, se sont déclinés des exemples d’actions, plus ou moins structurants, qui ont été hiérarchisés à partir de critères paysagers et écologiques. Cette hiérarchisation permet ainsi d’organiser la mise en œuvre d’un projet de territoire dans le temps, dans l’espace et selon des considérations financières, juridiques, techniques mais aussi de capacité à faire.
Puis, il a été convenu d’extraire, à titre d’exemple, une action du plan d’actions, qui se caractérise dans l’unité paysagère « paysage de l’habitat », par la transformation d’une friche industrielle en un parc naturel selon les principes de la renaturation.
Cette déclinaison permet donc ensuite de traiter de façon micro un élément constitutif du plan d’actions en rentrant dans des considérations beaucoup plus techniques et opérationnelles. L’objectif est non pas de réécrire le fascicule 35 notamment, qui est la bible pour réaliser un aménagement paysager, mais plutôt avec le souhait de sensibiliser, de partager des alertes et du contenu technique sur des sujets qui comportent des enjeux forts dont le sol (sur le plan agronomique, de la pollution…), les plantes [choix des végétaux dans un contexte de changement climatique (sécheresse, îlots de chaleur, …] ou encore la chute de la biodiversité, tout en inscrivant ces connaissances dans un processus méthodologique avec la volonté d’être pédagogue et efficient.
Quel est l'objectif de cette publication et à qui s'adresse-t-elle prioritairement?
Cette démarche vise à sensibiliser les décideurs publics qui portent l’aménagement d’un territoire, à conduire un véritable projet dans lequel paysage et écologie agissent comme un dénominateur commun à toutes les politiques publiques que porte un exécutif.
En tant qu’objet de politique publique, le paysage participe à une organisation où la biodiversité doit irriguer tous les pans de l’intervention publique, afin que l’aménagement territorial rime avec résilience, préservation de l’environnement et bien-être des citoyens. Cette vision pousse les décideurs publics à questionner les paradigmes pris et à réinventer les pratiques que les plans paysages peuvent décrire en recomposant nos territoires dans un objectif de transition écologique.
J’ai proposé cette vision en m’appuyant sur les objectifs que porte la convention européenne du paysage et sa déclinaison au niveau national, tout en partageant un peu de mon expérience afin de guider les maitres d’ouvrage, professionnels du paysage et de l’aménagement dans le pilotage de ce type de projet.
Quel est votre parcours et votre expérience justement sur ces sujets ?
Cela fait désormais 15 ans que je travaille dans le service public où j’ai occupé différents postes à responsabilités. J’ai commencé en tant que chef de service en charge de l’aménagement du paysage à la ville de Bordeaux avec la mission singulière de piloter l’aménagement paysager des quais de la rive droite (Parc aux Angéliques - 40ha).
En 2016, j’ai ensuite intégré la métropole de Bordeaux où j’ai eu plusieurs postes de responsable de service. J’ai conduit, en fil rouge, la charge du bureau d’études paysage et s’est ajoutée notamment la responsabilité des services techniques de la direction des espaces verts avec des équipes variées, allant des grands terrassements, en passant par des équipes de travaux et de plantations, jusqu’à des équipes de menuisiers ou métalliers par exemple.
En 2019, j’ai évolué au poste de directeur adjoint de la direction des espaces verts de Bordeaux Métropole, avant de prendre la tête de la direction stratégie et maitrise d’ouvrage du patrimoine naturel depuis 2022, qui a en charge les services Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI, ndlr), arbre, nature en ville et expertise et aménagement du paysage.
Quelle sont les difficultés à agir au sein d'une métropole, avec les enjeux politiques inhérents ?
Ces différentes expériences dans une des grandes métropoles françaises ont été très riches et m’ont permis également d’observer comment un territoire est capable de s’adapter et de muter pour répondre à des enjeux prégnants tels que les changements profonds que j’ai pu citer précédemment.
Pour ce faire, j’ai pu vivre au rythme des différentes politiques sectorielles où des points de convergence sur de même sujets liés au paysage ou encore à l’arbre à titre d’exemple ont été à la fois fédérateurs mais également de formidables catalyseurs pour penser voire repenser la ville.
Je vis le territoire et participe avec nombre de mes collègues à le modeler pour le rendre plus agile, plus résilient et plus adapté pour les générations à venir. N’oublions pas que penser paysage et écologie, c’est avant tout travailler dans le temps long pour préparer le territoire à ceux qui le vivront demain.
ingénieur paysagiste de formation. Après avoir passé le concours d’entrée à l’école du paysage de Lille, j’ai réalisé une prépa puis j’ai intégré le cycle ingénieur avant d’être diplômé en 2008.
Au cours de l’histoire, le paysage a souvent répondu à des disciplines distinctes et controversées où l’esthétique et l’artistique étaient prépondérants. À l’heure où la planète se réchauffe, la ville est appelée à se réinventer, à lutter contre l’artificialisation des sols et à se reconstruire en se végétalisant. Dans ce contexte, le statut du paysage évolue : on le reconnaît aujourd’hui comme un patrimoine à préserver et à développer, mais également un éco système naturel aux enjeux scientifiques, garant du bon devenir du monde du vivant dont l’humain fait partie. En tant qu’objet de politique publique, le paysage participe à une organisation où la biodiversité doit irriguer tous les pans de l’intervention publique, afin que l’aménagement territorial rime avec résilience, préservation de l’environnement et bien-être des citoyens. Cette vision pousse les décideurs publics à questionner les paradigmes pris et à réinventer les pratiques que les plans paysages peuvent décrire en recomposant nos territoires dans un objectif de transition écologique.