Les murs à fruits dans les villes du 17ème siècle : une forme d’agriculture urbaine oubliée ? © lowtechmagazine.com

Du 16ème au 20ème siècle, des villes du nord de la France, des Pays-Bas et de Belgique ont développé la technique dite des « murs à fruits ». Les arbres étaient plantés le long d’épais murs exposés plein sud, qui accumulaient la chaleur du soleil pendant la journée et la restituaient la nuit, créant ainsi un microclimat favorable aux cultures. Les premières serres seront construites en appuyant un puis plusieurs pans de verre contre ces murs.

L’origine des « murs à fruits »

En 1561, le botaniste suisse Conrad Gessner réalisa une étude qui démontrait les effets d’un simple mur chauffé par le soleil sur la vitesse de maturation des fruits. Ces conclusions conduisirent à l’invention des murs à fruits en Europe du Nord-Ouest. Ceux-ci apparurent au début du « Petit Âge Glaciaire », période de froid intense qui dura de 1550 à 1850 environ.

Le mur, en reflétant la lumière du soleil pendant la journée, améliore les conditions agro-climatiques dont la plante bénéficie. En absorbant la chaleur du soleil qui est ensuite diffusée lentement pendant la nuit, il prévient les dommages liés au gel. Le mur protège également des vents froids venant du Nord. Souvent, le mur à fruit était agrémenté de quelques tuiles ou d’un auvent de bois qui protégeaient les cultures de la pluie et de la grêle. Parfois, des tapis étaient suspendus au mur, pour recouvrir les arbres en cas d’intempéries et leur assurer une protection supplémentaire.

En France

Les premiers murs à fruits sont d’abord apparus en France dans les jardins des riches demeures. Par la suite, certaines régions de France se sont appuyées sur cette technique pour développer l’agriculture en ville.

Montreuil, en banlieue parisienne, vit ses premiers murs à fruits au 17ème siècle. Dans les années 1870, à l’apogée de cette technique, Montreuil possédait plus de 600 km de murs à fruits, soit un labyrinthe de 300 ha de murs. Les arbres qui étaient adossés à ces murs étaient des pêchers et la ville parvenait à produire chaque année 17 millions de pêches. Au centre de chaque jardin clos, étaient cultivées des cultures se contentant de températures plus basses comme des pommes, des poires, des framboises, des légumes ou des fleurs.

Thomery, à 60 km au sud-est de Paris, s’est spécialisé à partir de 1730 dans la production de raisins. Au début du 20ème siècle, plus de 800 tonnes de « Chasselas de Thomery »  étaient produites, sur 250 km de murs d’argile de 3 m de haut, tassés sur 150 hectares.

Au Pays-Bas

A l’époque où la région historique comprenait la Belgique et les Pays-Bas actuels la technique des murs à fruits s’est développée autour de la production de raisin. A partir des années 1850, Hoeilaart (près de Bruxelles) et le Westland (Pays-Bas) devinrent de grands producteurs de raisin de table. Les néerlandais apportèrent de nouvelles améliorations. Beaucoup de murs à fruits avaient des formes uniques, comme le mur ondulé ou « en ZigZag ». L’alternance de courbes concaves et convexes apportait plus de stabilité à l’édifice, lui permettait de mieux résister au vent et créait aussi un microclimat encore plus chaud.

En Angleterre

L’agriculture urbaine s’est relativement peu développée en Angleterre. A partir du 17ème siècle, les murs à fruits se sont principalement développés dans les jardins des manoirs. Les anglais se sont intéressés aux techniques de chauffage des murs pour éviter que les fruits gèlent, pour faciliter le mûrissement du fruit et la maturation du bois. Ces “murs chauds” étaient parcourus de bas en haut de conduits qui s’ouvraient en cheminées au faîte du mur. A partir de la deuxième moitié du 19ème siècle la plupart de ces murs à fruits étaient chauffés par des conduits d’eau chaude.

Le déclin des murs à fruits avec le chemin de fer et le développement des serres

C’est à la fin du 19ème siècle que les murs à fruits vont disparaitre. Ceux-ci nécessitaient beaucoup de main d’œuvre qualifiée pour tailler, désépaissir, retirer des feuilles… Le développement du chemin de fer a favorisé l’importation de fruits venant du sud, moins couteux à produire. D’autre part, l’apparition des premières serres chauffées a permis de produire avec des rendements similaires, voire supérieurs en faisant appel à moins de main d’œuvre.

 Kris De Decker

(Synthèse de Marie-Christine Bidault)

 

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