L’Observatoire de l’immobilier durable (OID) et le Plan bâtiment durable ont organisé, le 5 mars, une matinée de réflexion sur la place de l’immobilier dans l’objectif zéro artificialisation nette (Zan). L’occasion de discuter des opportunités et des leviers dont disposent les acteurs du secteur immobilier pour lutter contre l’artificialisation des sols.
"Le Zan n’est pas une option, c’est une nécessité", soutient Julien Fosse, rapporteur d’un document sur le sujet. En effet, selon Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable, l’heure est à la rénovation, "au sortir d’un demi-siècle de construction pour loger une population variée". Et Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement ajoute de son côté : "nous avons besoins de ces terres, pour des raisons écologiques, mais aussi économiques". Interrogée sur la compatibilité en
"Le concept du Zéro artificialisation nette (Zan) va obliger les acteurs de la construction à se reporter sur l'adaptation au bâti existant", souligne Philippe Pelletier, du Plan bâtiment durable. Les élus locaux ont, eux, déjà commencé à réduire les zones urbanisables dans les PLU.
Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable (PBD) est persuadé que " la rénovation des bâtiments est le nouveau champ d'action des architectes et des promoteurs". C'est pourquoi souligne-t-il "pour les architectes et les promoteurs, la feuille blanche, c'est fini , et il va falloir s'attacher à "adapter le bâti existant aux besoins actuels des ménages".
Le concept de Zan
Cause principale de cette évolution : la lutte contre l'étalement urbain, et son corollaire, le concept - assez récent - de Zéro artificialisation nette. Entré dans le paysage administratif avec le plan Biodiversité présenté en juillet 2018 par Nicolas Hulot, et ensuite avec une instruction aux préfets de juillet 2019 relative "à l'engagement de l'État en faveur d'une gestion économe de l'espace". Julien Fosse, de France Stratégie, auteur du rapport ( voir encadré) sur le Zan remis au Premier ministre en juillet dernier, rappelle que "la définition est imparfaite", puisque tout ce qui n'est pas dans la catégorie Enaf (espaces naturels agricoles et forestiers) est considéré comme artificialisé. Ainsi, "un jardin public vaut un parking, si l'on en reste à cette définition". France Stratégie propose donc de faire évoluer la définition, en prenant en compte, par exemple, le taux d'imperméabilisation des sols.
La renaturation n'est pas une désartificiaisation
Julien Fosse estime que ce serait une erreur de croire que l'on pourrait compenser l'artificialisation des terres en renaturant certains sites. "La renaturation n'est pas une désartificialisation : il faut une centaine d'année en moyenne pour recréer un centimètre d'humus". A cela s'ajoute le coût prohibitif du procédé : 100 à 400 euros du mètre carré, hors démolition. Pour France Stratégie, il faut donc réduire drastiquement le rythme d'artificialisation des sols, en densifiant et en faisant du renouvellement urbain.
Parmi les recommandations faites au gouvernement : prévoir dans les PLU des densités minimales et des taux planchers de renouvellement urbain, "exclure les dispositifs tels que Pinel et PTZ des opérations où le foncier procède d'une artificialisation", ou encore moduler la taxe d'aménagement pour inciter à la densification, en la corrélant à l'imperméabilisation des surfaces, par exemple.
Même si le Zan n'est pas encore opérationnel, la lutte contre l'étalement urbain fait, elle, déjà partie des réflexions au niveau local. "Le premier grand virage de l'aménagement a été le plan local d'urbanisme intercommunal [PLUI] ; le deuxième grand virage, c'est le Zan", affirme Philippe Schmit, secrétaire général de l'ADCF (Association des communautés de France), qui représente les intercommunalités. "C'est même l'enjeu du prochain mandat".
Changer la relation de l'élu avec les propriétaires fonciers
L'élu intercommunal le voit, dans l'élaboration des PLUI : il n'y a pas de consensus sur la question parmi les maires. "Il y a une opposition entre ceux qui disent 'inventons des nouvelles façon de faire de l'aménagement' et ceux qui disent 'limiter l'étalement c'est entraver le développement'".
D'autant plus, explique Philippe Schmit, que réduire les zones urbanisables dans les documents d'urbanisme, c'est changer la relation de l'élu avec les propriétaires fonciers : "il existe un lien entre les stratégies publiques d'aménagement et l'intérêt de certains dans l'urbanisation".
"Jusqu'ici, le rapport était bénéfique à tous : on ouvrait des droits à urbaniser, les propriétaires s'enrichissaient. C'est plus compliqué quand il faut expliquer que certaines zones repassent d'urbanisables à naturelles. Les élus reçoivent des administrés qui leur disent 'vous nous volez', en réalité 'vous nous volez de la possibilité de nous enrichir'. Mais certains ont pu payer des droits de succession assise sur la valeur de terres urbanisables, qui peuvent donc se sentir spoliés".
"Et encore, à ce jour on rétrozone surtout des fonciers devenus urbanisables dans les années quatre-vingt, à la faveur d'anciens plans d'occupation des sols [POS, ancêtres des PLU], et qui n'ont pas trouvé preneurs", insiste l'élu, manière de souligner que les difficultés en matière de lutte contre l'artificialisation sont devant les élus du bloc municipal.