Une ferme en gouvernance participative a vu le jour il y a plus de dix ans et continue de prospérer en distribuant ses paniers de légumes dans la région des Cornouailles anglaises. Echange avec Rob Pickering, un des fondateurs de Bosavern Community farm, pour comprendre la gouvernance d’une telle structure.
Historique de Bosavern Community farm
Le projet de ferme communautaire est né d’un petit groupe d’habitants des Cornouailles, souhaitant tendre vers un mode de vie plus durable, peu dépendant d'intrants extérieurs à la région. L’idée principale était d’acquérir des terres pour produire des légumes par et pour les habitants du secteur de Penwith*. En 2010, ce mouvement d’habitants s’organise pour louer 14,5 hectares de terres appartenant au Cornwall Councill (équivalent des institutions d’échelle régionale en France) ; c’est la naissance de Bosavern community farm.
Afin d’assurer une meilleure gestion de la ferme, une entreprise sociale d’intérêt public est créée en 2011, sous le nom de Bosavern Community Entreprise (BCE). Très rapidement celle-ci souhaite pérenniser la ferme communautaire en la rachetant au Cornwall Council. Pour faciliter cette opération et impliquer les habitants dans le projet, l'entreprise propose un achat de parts de la ferme. Celles-ci sont nommées « Community Share » et coûtent chacune 1 pound. Chaque membre doit effectuer un investissement minimum de 20 pounds, soit 20 parts.
Elles permettent de devenir membre de la communauté et d’aider celle-ci à acheter les terres, rénover les bâtiments, participer aux frais de roulement de la ferme, d’être décisionnaire dans les orientations et de voter à l’assemblée générale. Elles donnent aussi accès aux cours ou activités organisées sur le site et en priorité aux produits spéciaux de la ferme (dinde, œufs, etc.). En 2014, la Bosavern Community Entreprise devient propriétaire de la ferme grâce à l’obtention d’une subvention de la National Lottery** . Ce fonds est alimenté via l’achat de tickets de la loterie nationale, un prêt sans intérêts d’un donateur et les « community shares » récoltées (18 000 pounds).
La ferme communautaire aujourd’hui
Aujourd’hui, la ferme produit des légumes en agroécologie sur environ 3 hectares, et emploie (via l'entreprise) deux employés à temps plein (un maraîcher en chef et une chargée de développement/management) et deux employés à temps partiel (un ouvrier agricole et une chargée de gestion des fonds). La production permet d’achalander quotidiennement le magasin de la ferme, de délivrer en moyenne 75 paniers de légumes par semaine, de fournir quelques restaurateurs de la région et de participer à trois marchés locaux. Bosavern Community Farm propose une fourchette de prix aux clients (basse/moyenne/haute) qui permet d’ouvrir la production à un plus large panel d’habitants du secteur de Penwith.
Par ailleurs, un système de paniers « suspendus » permet aux clients de contribuer à l’achat d’un panier de légumes en plus du leur. Ce qui offre alors la possibilité de proposer des paniers de légumes à moitié prix, voire gratuits à des familles dans le besoin.
La ferme repose sur une contribution active et quotidienne des volontaires impliqués dans la communauté. Ces derniers permettent de gérer de nombreuses actions de la ferme, qui ne peuvent être réalisées par les employés. Ainsi, les volontaires s’organisent selon un roulement précis pour achalander le magasin de la ferme, tenir la caisse et accueillir les clients. Ils participent aussi aux activités de récolte, plantation, soins des poules, etc.
Du lundi au vendredi, woofeurs et volontaires se retrouvent le midi autour d’un repas collectif préparé avec les produits de la ferme. Par ailleurs, chaque semaine des classes des écoles de Saint Just viennent réaliser des activités de récolte et plantation sur la ferme. De plus, une partie des terres de la Bosavern Community Entreprise est mise à disposition sous forme de jardins familiaux. Ainsi, 28 familles ont accès à une parcelle d’environ 25 à 50 m² pour produire leurs légumes.
L'avenir de la ferme
Les revenus de la ferme croissent d’année en année. La production agricole est maintenant bien établie et la création d’emplois permet d’installer durablement certains postes clefs de la ferme (financement, production agricole, développement de projets et management). Cependant, les revenus des ventes de la ferme ne permettent pas de couvrir tous les besoins de celle-ci. La communauté est donc toujours en recherche et dépendante de subventions extérieures.
La sortie de l’Angleterre de l’Union Européenne (UE) a entrainé une réduction des subventions perçues par la région des Cornouailles, ce qui pourrait impacter à terme la ferme. De plus, la communauté observe une perte de woofeurs étrangers venant découvrir et travailler à la ferme depuis la sortie de l’UE. Ainsi, pour cette année 2023, la communauté cherche des investissements lui permettant de diversifier ses sources de revenus et de devenir plus inclusive, viable et résiliente.
Par ailleurs, la construction d’une salle de classe permettant de réaliser des ateliers, réunions etc. et le développement des équipements de la zone de camping font partie des projets à venir.
Claire Colliaux
* West Penwith est une ancienne région minière. Bien que très touristique, elle est l’une des régions les plus pauvre d’Angleterre. Le tourisme offre des emplois saisonniers, précaires, ne permettant pas aux résidents de la région d’obtenir des emplois viables sur le long-terme.
** Fonds distribuant des subventions pour des projets collectifs culturels, sportifs, patrimoniaux, environnementaux, etc.
Photos Claire Colliaux