Hermine Chombart de Lauwe nous a accordé une interview pour présenter le Conseil National pour la Résilience Alimentaire (CNRA), association à but non lucratif, créé à l'automne 2020 dans le but "d’accueillir et fédérer les acteurs engagés pour la résilience alimentaire des territoires". Explications.
Hermine Chombart de Lauwe, forte d'une carrière dans le monde de la logistique internationale a rejoint, le Conseil National pour la Résilience Alimentaire lors de sa création à l'automne 2020. Le conseil rassemble des professionnels intervenant sur les différents maillons de la chaine alimentaire, désireux de répondre en commun au défi de la résilience alimentaire des territoires.
Qu'est ce que la résilience alimentaire ?
Le CNRA s'appuie sur une définition issue des travaux de Danielle Tendall, chercheuse à l'Institut de technologie de Zurich. Celle-ci définit la résilience alimentaire comme " la capacité des territoires à garantir la sécurité alimentaire de leur population dans un contexte de perturbations multiples (changement climatique, épuisement des ressources, effondrement de la biodiversité, crise sanitaire, économique, politique,...)".
Hermine Chombart de Lauwe est pleinement consciente du nombre très important d'initiatives locales qui vont dans le sens d'une reterritorialisation de l'alimentation et que des solutions existent déjà. Cependant, elle a constaté que celles-ci sont isolées et manquent de connectivité les unes avec les autres. Ainsi, l'ambition du CNRA est de regrouper tous les acteurs de la chaine alimentaire pour porter collectivement cet objectif de résilience alimentaire et participer au rééquilibrage de l'offre alimentaire vers plus de local.
Quels sont les objectifs du CNRA ?
Il s'agit déjà de "mutualiser les connaissances grâce à une veille, une collecte et un partage des données et des informations qui concernent la résilience alimentaire, mais aussi grâce à un partage des leviers de passage à l'échelle territoriale".
Ensuite, l'organisation souhaite "fédérer les acteurs et les moyens en mettant en commun les idées, les ressources matérielles et financières, en encourageant les projets émergents, et en permettant le développement des outils génériques facilitant le passage à l'échelle territoriale des acteurs opérationnels.
Enfin, l'organisation a l'ambition de "structurer les filières locales en regroupant les acteurs, avec des outils concrets et opérationnels visant à promouvoir les produits locaux et défendre les intérêts de la filière".
Hermine Chombart de Lauwe illustre ces objectifs en citant l'exemple des pénuries de farine observées dans les grandes surfaces de l'ouest lors du premier confinement du printemps. Selon elle, cela met bien en évidence les points faibles du niveau local que sont les défauts de logistique et le manque d'outils de transformation. Elle observe qu'il exite, sur les territoires, beaucoup de producteurs désireux de vendre en proximité et de nombreux points vente de produits locaux. Mais, entre les deux, il manque souvent un maillon pour aider les producteurs à produire et vendre en proximité. Ainsi, ceux-ci n'ayant pas forcément l'envie, le temps ou les compétences pour devenir eux-mêmes, vendeurs de leurs produits, des initiatives, telles que les AMAP, restent très localisées et à petite échelle.
Sur quels études et outils va s'appuyer l'association?
Le premier outil imaginé par le CNRA est le "baromètre de la résilience alimentaire". Celui-ci vise à mesurer, pour mieux agir, et donner une clé de lecture de la résilience alimentaire d'un territoire, à l'aide d'indicateurs analysant la capacité alimentaire et la vulnérabilité des territoires face aux multiples menaces.
Pour faire connaitre cet outil, le CNRA organise une journée à l'Assemblée Nationale le 8 avril 2021. Son ambition étant que les parlementaires s'emparent de ce sujet. Trois tables rondes sont prévues : la première autour de la définition de la résilience alimentaire (enjeux, menaces...), la seconde sur la mesure de la résilience avec la présentation du baromètre et la troisième portant sur des exemples concrets d'initiatives avec leurs points forts et faibles et leurs menaces. Cette journée pourra être suivie en direct par le grand public.
Qui sont et seront les acteurs adhérents de l'organisation?
Notre organisation est constituée de membres, réunis en groupes de travail structurés autour de sujets transversaux, pour plus d'efficacité. Ces membres ont tous développé des compétences et des savoir-faire, dans les domaines de l'agriculture péri-urbaine, de l'agro-écologie, des équipements de transformation, de distribution, ou encore de la digitalisation de l'offre. L'objectif est d'organiser une collaboration et un accompagnement de tous les acteurs qui partagent nos ambitions.
Aujourd'hui nous vivons dans une société où la grande majorité des individus n'a pas les moyens de dépenser davantage dans son l'alimentation, il y a néanmoins une prise de conscience de l'importance de consommer des produits de qualité et locaux. Et cela ne passera pas forcément par une augmentation des prix si les filières se structurent davantage. A titre d'exemple, regardon le cas de Pornic, port de pêche de Loire-Atlantique, où 80% du poisson proposé dans les cantines scolaires est importé. Et autre constat, le poisson pêché à Pornic est systèmatiquement envoyé à Rungis, puis repart en partie à Pornic pour y être consommé, et tout cela pour des questions de logistiques et de coûts...
Quelles initiatives défend le CNRA ?
Le CNRA refuse les "guerres de chapelles" entre les différentes formes d'agriculture (Bio, HVE,...Agriculture urbaine....etc) et n'est pas là pour juger. L'organisation s'oriente vers l'action plutôt que la sensibilisation et veut devenir une plate-forme d'échanges entre professionnels. La lutte contre le gaspillage alimentaire qui a une importance capitale ou encore la qualité des sols fait aussi partie des sujets qui seront traités.
L'adhésion au CNRA est ouverte à tous les acteurs, élus et collectivités territoriales, PME, associations, grandes entreprises (y compris la GMS), agriculteurs, experts, citoyens. Devenir membre permet de figurer dans l'annuaire, d'être identifié comme acteur sur son territoire, d'accéder au réseau des acteurs de l'alimentation sur son territoire, de bénéficier d'un réseau d'entraide et de partage de bonnes pratiques...
L'association, encore jeune se fait accompagner, pour bien démarrer, par un cabinet de conseil spécialisé dans la transformation des organisations confrontées à des changements majeurs. C'est grâce à des membres nombreux et actifs que notre association atteindra ses objectifs.