Champiloop, entreprise grenobloise spécialisée dans la production de champignons sur substrat fait partie des lauréats de la seconde tranche des "Quartiers fertiles" de l'ANRU. Cette jeune entreprise veut s'inscrire dans l'économie locale et durable. Nous avons rencontré Maxime Boniface l'un de ses fondateurs.
Maxime Boniface et son associé Hamid Sailani ont créé Champiloop en 2020, champignonnière installée dans les Caves de la Frise à Eybens dans la banlieue de Grenoble. Hamid travaillait déjà dans cette champignonnière créée en 2016 par l'association GERM*, dans un ancien bâtiment militaire creusé à flanc de coteau et repris par la Brasserie de la Frise à la fin du 19ème siècle pour stocker de la bière. Le lieu, frais et humide est trés propice à la culture de champignons. En 2019, l'association a lègué l'exploitation de la champignonnière à Hamid Sailani pour pérenniser l'activité. Aprés des études à Grenoble Ecole de Management, Maxime a rejoint Hamid, avec l'idée de créer une structure dans le domaine de la transition économique et sociale. La lecture du livre "L'économie bleue 3.0" de Gunter Pauli l'a inspiré et lui a appris qu'il était possible de faire pousser des champignons sur des biodéchets. Maxime a complété ses études par un master d'entrepreunariat lui permettant d'acquérir les compétences pour se lancer dans la création d'entreprise. Les deux associés ont gagné début 2020 l'appel à idées de l’association Societal Angels** portant sur la transition alimentaire en Dauphiné.
Des pleurotes et shiitakes produits sur substrat naturel
Champiloop produit des pleurotes et shiitakes sur un substrat naturel composé de paille et de sciure de bois mélangés à du mycélium et acheté à un fournisseur de l'Allier. Les substrats, prêts à l'utilisation, se présentent sous forme de blocs de culture, qui permettent trois récoltes, chaque bloc étant renouvellé tous les deux mois puisqu'au fur et à mesure des récoltes, la production baisse. Les champignons poussent tout seul, il n'y a plus ensuite qu'à les récolter, les conditionner et les vendre, ce qui représente un important travail.
La moitié est destinée à des restaurants, épiceries locavores et coopératives et l'autre moitié à des particuliers en vente directe à la champignonnière (tous les vendredi de 16h à 18h30) et à six AMAP de l'agglomération grenobloise. La champignonnière est ouverte à la visite le vendredi en fin d'aprés-midi et la vente s'accompagne d'une sensibilisation à l'alimentation avec des recettes à base de pleurote et shiitake proposées aux clients.
Le substrat épuisé (riche en carbone) et les pieds de champignons constituent un compost, mis à disposition des particuliers. Si aujourd'hui Champiloop le donne, au vu de la forte demande, les deux associés sont en réflexion pour le valoriser dans l'économie circulaire.
Produire son propre substrat à partir de matières premières locales
Aujourd'hui, Champiloop fonctionne en circuit court pour l'aval de sa production mais souhaiterait le faire aussi à l'amont en produisant son propre substrat. Pour cela, les deux associés cherchent à créer des partenariats en circuits-courts pour récupérer des biodéchets locaux : paille, sciure de bois (non traité) et aussi les drêches de bière, qui sont les résidus du brassage de la bière. Si ces deux dernières matières premières sont assez faciles à trouver autour de Grenoble, il est plus compliqué de trouver de la paille car elle est utilisée dans les élevages des exploitations agricoles du territoire et elle est rare certaines années. Concernant le mycélium qui viendra enrichir le substrat, les entreprises qui en produisent sont rares. Champiloop prévoit dans un premier temps de l'acheter à MYCELIA***, laboratoire belge de culture fongique, qui fait référence en Europe, tout en gardant l'objectif à plus ou moins long terme de relocaliser la production de mycélium sur le territoire grenoblois. Pour créer des substrats, il faut élaborer des "recettes" et pour cela les deux associés vont se faire accompagner par Upcycle****, entreprise spécialisée dans la valorisation des biodéchets.
Mais les deux jeunes entrepreneurs ne comptent pas s'arrêter là... Maxime Boniface a réalisé son mémoire de fin d'étude sur l'économie du mycélium et a notamment étudié les différentes valorisations possibles des champignons. Outre la production sur biodéchets comme Champiloop le fait aujourd'hui, les champignons peuvent être également utilisés comme biomatériaux (en alternative au polystyrène ou au cuir) ou en mycoremédiation (dépollutions des sols par les champignons).
Les deux jeunes entrepreneurs sont sans cesse en recherche de nouvelles idées, en échangeant notamment avec d'autres spécialistes tel que PermaFungi***** à Bruxelles qui cultive des champignons sur du marc de café...
Des projets qui s'incrivent dans l'économie sociale, locale et durable
Les deux associés se sont aussi donner pour mission de réhabiliter des lieux urbains en champignnonières pour créer des systèmes alimentaires résilients, qui s’appuient sur une coopération territoriale et une économie circulaire. L'entreprise a ainsi été lauréate de la 2ème vague d'appel à projets des "Quartiers fertiles" de l'ANRU, pour son projet de réhabilitation d'un parking souterrain désafecté de 1000 m2 dans le quartier Renaudie à Saint-Martin-d'Hères, commune limitrophe de Grenoble. Les deux associés ont le projet d'en faire un lieu d'activité, en y installant une nouvelle champignonnière pour doubler la production (1 à 1,2 tonne d'ici 2023).
L'ANRU va confinançer le projet à hauteur de 50% et les deux associés doivent trouver des financeurs pour compléter. Pour cela, ils vont lancer une campagne de financement participatif (crowdfunding) pour faire appel aux citoyens.
Réhabiliter des lieux urbains pour créer des champignonnières qui revalorisent des biodéchets locaux pour produire des champignons frais en circuits-courts ; une belle boucle vertueuse ! Nous ne manquerons de suivre ce beau projet...
L'ANRU annonce 48 nouveaux lauréats de l'appel à projets "Quartiers Fertiles"
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Photos Champiloop