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Les politiques locales d’agriculture urbaine ont connu un essor important aux Etats-Unis depuis 20 ans. Compost, accès à l’eau, pollution des sols… il y a encore de nombreux sujets à intégrer dans ces politiques. Ces politiques gagneraient également à s’ouvrir à de nouvelles parties prenantes et à être plus accessibles aux citoyens. Un article publié par Urban Food Futures.

Les politiques locales d’agriculture urbaine ont pris leur essor au tournant du XXIe siècle, mais 20 ans plus tard, il est encore difficile d’avoir une image globale de leur avancée. Pour cette raison, des chercheurs du Johns Hopkins Center for a Livable Future (Etats-Unis) ont passé en revue les politiques actuelles et passées de 40 des villes les plus peuplées des Etats-Unis. Ils ont analysé les régulations en place, ainsi que les plans, les orientations, les programmes et les recommandations émises au niveau local. Ce faisant, ils montrent que les politiques de soutien à l’agriculture urbaine se sont effectivement développées, mais qu’il existe encore une grande marge de manœuvre pour explorer de nouveaux thèmes, s’ouvrir à de nouvelles parties prenantes et être plus accessibles aux citoyens.

Dans le labyrinthe des politiques d’agriculture urbaine

L’agriculture urbaine a désormais pleinement sa place dans les politiques locales. En effet, parmi les 40 villes étudiées, le nombre de celles ayant adopté des plans ou établi des priorités en la matière a plus que doublé sur la dernière décennie. Cependant, un des aspects qui a le plus surpris les chercheurs est la difficulté à identifier ces politiques. En effet, elles sont éparpillées à travers différents services/ agences locales, plans/ programmes, et pas toujours étiquetées comme telles.

Il existe rarement un guichet unique qui permette aux citoyens de s’informer sur les actions de leur ville en la matière, et ce à quoi ils sont éligibles (ou soumis) lorsqu’ils se lancent dans la culture urbaine.


Ainsi, même si ces politiques ont connu un grand essor, elles restent encore difficiles à identifier. Une fois ces politiques identifiées, les chercheurs ont mis en place une base de données pour les analyser. Ils ont été interpelés par la grande variabilité dans le nombre et le périmètre des politiques d’une ville à l’autre. Encore plus intrigant, cette variation ne peut pas s’expliquer par des différences statistiques simples entre villes (nombre d’habitants, localisation…). Les agriculteurs urbains reçoivent significativement plus de soutien dans certaines villes que dans d’autres. L’étude met également en lumière des thèmes dont les villes ayant déjà des politiques bien établies peuvent s’inspirer pour enrichir leur action.

Elevage d’animaux et usage des terres

Quels sont les sujets qui reviennent le plus souvent dans ces politiques ? Le premier concerne l’élevage d’animaux. Le zonage et les règles sur l’élevage sont généralement les dispositions les plus anciennes. La plupart des villes en ont. Elles ont connu une évolution intéressante, cependant.

En effet, les règles les plus anciennes cherchaient à interdire cette pratique, pour limiter les impacts sanitaires associés dans les espaces urbains denses.
 

Avec le regain d'intérêt pour l'agriculture urbaine à partir des années 2000, ces règles se sont assouplies. Par exemple, une ordonnance de 1963 qui interdisait l’élevage de poulets à Nashville a été annulée en 2012. Le deuxième thème qui revient le plus est l’usage des terres. Cela inclut les zonages, le fait de conditionner la pratique de l’agriculture urbaine à des autorisations spéciales, de permettre son développement sur des parcelles en attente de développement urbain, ou encore, de réguler les structures nécessaires à cette activité (abris, cabanes…). La base de données a aussi mis en lumière de nombreux autres sujets qui peuvent servir d’inspiration aux cilles. Par exemple : la pollution des sols, la vente des produits alimentaires, le compostage, l’accès et l’usage de l’eau, l’aquaculture, les activités des pépinières… Enfin, la recherche a révélé des opportunités pour les villes d’incorporer l’agriculture urbaine dans d’autres actions qu’elles mènent par ailleurs, comme les programmes Adopt-a-Lot (voir par exemple l’initiative à Baltimore). Il y a ainsi de nombreuses opportunités pour développer plus en avant les politiques d‘agriculture urbaine.

Qui participe à la politique ?

Les chercheurs se sont ensuite intéressés aux processus de gouvernance des politiques d’agriculture urbaine. Ils montrent qu’un point commun à de nombreuses villes est le fait que la politique d’agriculture urbaine est souvent créée en partenariat avec des acteurs extérieurs à l’autorité locale. Il peut s’agir de membres d’un Conseil de politique alimentaire, de réseaux de praticiens, d’associations qui fournissent des services dans le domaine, d’entrepreneurs, de fondations privées, de restaurants locaux… Par exemple, toutes les villes de l’étude à l’exception de 5 ont un Conseil de politique alimentaire actif (ou récemment dissous). Ces acteurs prennent part soit à la conception de la politique, soit à sa mise en œuvre (par exemple, via la gestion de parcelles sur des terres publiques). Les partenariats public-privé sont souvent utilisés pour identifier des priorités d’action pour la ville ou pour faciliter la mise en œuvre de programmes soutenus par celle-ci. Par exemple, à Kansas City (Missouri), une association locale (Kansas City Community Gardens, KCCG) gère un programme qui subventionne l’accès à l’eau des jardins partagés. Le programme est soutenu par la ville et mis en œuvre par l’association.

Cela rend les politiques d’agriculture urbaine très ouvertes, en écho au développement de la participation citoyenne dans les politiques publiques.


Cependant, cela n’est pas sans soulever des questions d’équité et de justice sociale et alimentaire. En effet, le contenu d’une politique reflètera les intérêts des parties prenantes impliquées dans son élaboration, mais risque d’ignorer ceux d’autres acteurs (comme les citoyens qui ont tendance à être moins représentés, par exemple, les personnes de couleur ou les plus défavorisés). Un autre risque que cet article met en lumière est celui de politiques soumises à des arrêts et des accélérations (stop-and-go) au gré des changements d’administration. Par exemple, les initiatives portées par les mairies peuvent perdre en vigueur si celui qui les porte n’est pas réélu. Seules 63% des villes inclues dans cette analyse ont une délibération de leur conseil municipal sur l’agriculture urbaine. Si ces politiques doivent être développées sur le long terme, il est probable qu’elles nécessiteront un ancrage législatif ou démocratique (via le vote) pour s’assurer leur permanence.

Une base de données pour tous !

Les chercheurs vont continuer à explorer la base de données qu’ils ont créée dans les prochains mois, et publieront des analyses spécifiques à l’accès au foncier public et aux politiques de gestion de la pollution des sols. Mais ils veulent aussi la partager avec un public plus large de praticiens et de décideurs sur l’agriculture urbaine. En effet, la base de données est en accès libre. Un bon endroit pour puiser l’inspiration pour les prochaines étapes de la politique d’agriculture urbaine de votre ville !

Albane Gaspard

Source : Madeline R. Halvey, Raychel E. Santo, Sara N. Lupolt, Trent J. Dilka, Brent F. Kim, Grace H. Bachman, Jill K. Clark, Keeve E. Nachman, Beyond backyard chickens: A framework for understanding municipal urban agriculture policies in the United States, Food Policy, Volume 103, 2021

Photo : @AURA (Brooklyn - USA)

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