Dans une note publiée sur son site le 31 juillet 2023, le cercle de réflexion le Lierre* critique une gestion de la politique agricole française essentiellement pilotée par le ministère de l’agriculture et le syndicat majoritaire. Le réseau écologiste des professionnels de l’action publique regroupant des consultants et des hauts fonctionnaires estime que "ce mode de gestion est un obstacle à une véritable transition écologique".
Dans le contexte de la préparation du Pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOAA), le Lierre, association mobilisée face aux crises écologiques, rassemblant hauts fonctionnaires, experts et acteurs de la vie publique, remet en cause la conduite d’une politique agricole française qui serait principalement menée par le ministère de l’Agriculture avec la FNSEA et ses satellites. Le réseau exprime sa préoccupation dans une analyse publiée fin juillet, au sujet d’un modèle agricole jugé néfaste pour les agriculteurs et l’environnement et appelle à l’accélération d’une transition agroécologique. Selon cette organisation, une participation accrue des différents courants syndicaux dans les orientations de la politique agricole du territoire est nécessaire pour tendre vers une agriculture plus durable.
Impliquer une plus grande diversité d’acteurs
Afin de réussir la transition de l’agriculture et assurer une meilleure prise en compte des nouvelles attentes sociétales et la « généralisation d’une agroécologie ambitieuse », le réseau en appelle à un élargissement de la gouvernance du secteur. « Il est nécessaire de mieux associer à la conception et à la mise en œuvre des politiques agricoles et alimentaires les ministères chargés de l’écologie, de la cohésion des territoires, de la santé et de l’éducation, les collectivités territoriales, les syndicats agricoles minoritaires, et les associations de consommateurs environnementales », défend l’association.
L’optimisation du pilotage de la politique agricole dépendrait d’une révision de la composition des chambres d’agriculture, des rapports de force entre l’amont et l’aval, et d’une réelle intégration des pratiques agroécologiques, selon l'organisation; « La gouvernance des chambres d’agriculture doit être adaptée en revoyant les règles d’attribution des sièges et en réformant les collèges électoraux.
La gouvernance des Safer, des CDOA (commission départementale d’orientation de l’agriculture) et des instituts techniques et agricoles doit aussi être ajustée.Les interprofessions doivent également accorder une place accrue aux acteurs de l’agroécologie dans leur gouvernance », explique le réseau dans sa note.
En voici les principales idées :
-Il est nécessaire de mieux associer à la conception et à la mise en œuvre des politiques agricoles et alimentaires les ministères chargés de l’écologie, de la cohésion des territoires, de la santé et de l’éducation, les collectivités territoriales, les syndicats agricoles minoritaires, et les associations de consommateurs et environnementales .
-Il est nécessaire de rééquilibrer les rapports de force au sein des filières pour permettre le développement des acteurs de l’agroécologie, ce qui passe par une meilleure application des règles sur les négociations commerciales et une limitation des marges excessives dans la distribution.
-L’État devrait utiliser son poids dans la gouvernance des chambres d’agriculture pour assurer que leurs moyens sont pleinement tournés vers cet objectif. Le contrat d’objectif et performance liant l’État à la tête de réseau des chambres d’agriculture devrait devenir un véritable outil de planification des actions des chambres concernant la formation et le conseil vers l’agroécologie.
-Il est nécessaire de faire évoluer la mission des chambres : elles ne doivent plus être des organes représentant uniquement le monde agricole et doivent s’ouvrir aux autres acteurs concernés par l’agriculture et l’alimentation et la ruralité. Il semble donc souhaitable de mieux intégrer dans la gouvernance des chambres les acteurs de la société civile (associations de consommateurs et environnementales) et les collectivités territoriales.
-L’ambition agroécologique du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) finançant les instituts techniques agricoles et d’autres organismes devrait être renforcée.
-La gestion du second pilier de la PAC pourrait même être confiée au ministère chargé de l’écologie.
-Le rattachement des services du ministère chargé de l’agriculture et de l’alimentation au ministère chargé de l’écologie mérite d’être examiné.
-Les volumes financiers sont aujourd’hui insuffisants, mais d’autres points sont également cruciaux : revoir la logique du financement par appel à projet pour passer à un financement pérenne, assumer davantage de dépenses de fonctionnement et non simplement d’investissement, renforcer la formation initiale et continue pour avoir davantage d’agents capables de prendre en compte de manière croisés les enjeux agricole, alimentaire, écologique et sanitaire.
-La cohérence impose d’aligner toutes les décisions avec la transformation agroécologique et alimentaire. En particulier, chaque agent doit avoir les moyens et être encouragé à instruire les dossiers d’une manière exigeante sur les plans environnementaux et sanitaires.
-La commande publique est un levier clé pour l’exemplarité de la puissance publique, qui permettrait également de structurer les filières de la transition agroécologique, mais les moyens actuellement consacrés sont très insuffisants.
Proposition 9 :
- Associer les ministères chargés de l’écologie, de la cohésion des territoires, de la santé et de l’éducation à la gouvernance des politiques agricoles et alimentaires aux niveaux national et local, à la fois dans la préparation des documents cadre (PSN, PNDAR, COP Etat-chambre d’agriculture, SDREA) et dans la mise en œuvre des politiques publiques à travers un copilotage ou un transfert de pilotage ;
-En particulier, transférer au moins une partie de la gestion du second pilier de la PAC au ministère chargé de l’écologie et de la cohésion des territoires, et associer ce ministère à la conception des programmes de l’enseignement agricole ;
-Examiner l'opportunité d’un rattachement du ministère chargé de l'agriculture au ministère chargé de l’écologie ou la création de cotutelles sur certaines directions générales.